Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/705

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
705
IMPRESSIONS DE VOYAGES.

qu’au bout ; je dis à Willer d’aller payer l’hôte, et de venir me reprendre avec mon bagage.

Au bout de vingt minutes, il me retrouva mangeant un aileron de l’animal sur lequel, je dois le dire, l’expérience s’était faite à point ; cet aileron m’avait été offert par le propriétaire de la poule, qui, voyant l’intérêt que je prenais à son expérience, m’avait jugé digne d’en apprécier les résultats.

À mon tour, je lui offris un verre de kirschenwasser qu’il refusa à son grand regret ; le pauvre diable ne buvait que de l’eau, et de l’eau chaude encore.

Après cet échange de politesses, nous nous mîmes en route pour Louësche-le-Bourg. À mi-chemin, Willer s’arrêta pour me montrer le village d’Albinnen auquel conduit le passage des Échelles que nous avions visité deux heures auparavant ; ce village est situé sur la pente d’une colline tellement rapide, que les rues ressemblent à des toits, ce qui fait, me dit Willer, que les habitans sont obligés de ferrer leurs poules pour les empêcher de tomber.

À trois heures, nous arrivâmes à Louësche-le-Bourg, qui ne nous offrit rien de remarquable, et où nous ne nous arrêtâmes que pour dîner. À quatre heures nous traversions le Rhône, et à quatre heures et demie je prenais congé de mon brave Willer, pour monter dans une calèche de poste, qui devait me conduire le même soir à Brieg.

Le chemin que nous suivîmes dès-lors était celui qui mène au Simplon, au pied duquel est situé Brieg : depuis Martigny jusqu’à cette ville, la route fut exécutée par les Valaisans, et ce n’est qu’à cent pas environ avant les premières maisons que les ingénieurs français commencèrent ce merveilleux passage.

Du moment où je m’étais engagé sur cette route, j’avais remarqué à l’horizon des nuages amoncelés dans la gorge du haut Valais qui se déployait devant moi dans toute sa profondeur. Tant que le jour dura, je les pris pour un de ces orages partiels si communs dans les Alpes ; mais à mesure qu’il baissa, ils se colorèrent d’une teinte sombre, qui fit enfin place aux lueurs d’un immense incendie : — toute une forêt située sur le versant septentrional du Valais était en flammes et faisait étinceler à trois mille pieds au-dessus d’elle la chevelure glacée du Finster-Aahorn