Bizarre organisation que celle de notre machine ; — quelques gouttes d’eau avaient apaisé ma fièvre et ma colère. Pétion, menacé d’une émeute, étendit la main hors de la fenêtre et alla se coucher tranquillement en disant : Il n’y aura rien cette nuit, il pleut.
Il n’y eut rien.
S’il avait plu le 27 juillet, il n’y aurait rien eu !…
On a plus peur en France de l’eau que des balles ; on ne sort pas sans parapluie et l’on se bat sans cuirasse.
J’en étais là lorsque j’entendis derrière moi le galop de mon petit guide. Le pauvre diable me rattrapait enfin ; je lui avais fait faire une demi-lieue en courant.
— Ah ! c’est toi, lui dis-je, causons.
— Prenez d’abord mon parapluie.
— Non, j’aime l’eau ; mais prends mon sac, toi.
— Volontiers.
— D’où es-tu ?
— De Munster.
— Et comment se fait-il que tu parles italien dans un village allemand ?
— Parce que j’ai été mis en apprentissage chez un cordonnier à Domo-d’Ossola.
— Ton nom ?
— Frantz en allemand, Francesco en italien.
— Eh bien ! Francesco, je vais non-seulement au glacier du Rhône, mais je descends de là dans les petits cantons ; je traverserai les Grisons, un coin de l’Autriche ; j’irai à Constance, je suivrai le Rhin jusqu’à Bâle, et reviendrai probablement à Genève par Soleure et Neufchâtel ; veux-tu venir avec moi ?
— Je le veux bien.
— Combien te donnerai-je par jour ?
— Ce que vous voudrez, ce sera toujours plus que je ne gagne chez moi.
— Quarante sous et je te nourrirai ; cela te fera à peu près soixante-dix ou quatre-vingts francs à la fin du voyage.
— C’est une fortune !
— Cela te convient donc ?