Tullia. — Bah !
Méa. — Ils sortent de la monnaie.
Tullia. — Vive Jésus !
Méa. — Cinq cents et plus.
Tullia. — Est-ce qu’il sait dépenser ?
Méa. — Les femmes le ruinent. Tous les habitans de Pérouse naissent avec un collier de femmes au cou.
Tullia. — Et son nom ?
Méa. — Boccace.
Tullia. — Et ses parens ?
(Ici Méa, véritable femme de chambre, fait un long détail de toutes les affaires domestiques de Boccace : elle apprend, entre autres particularités, à Tullia qu’une sœur du marchand a été mise à l’hôpital dans son enfance, qu’on lui a laissé pour la reconnaître la moitié d’une pièce de monnaie (carlino papale), et que Boccace en possède l’autre moitié dans l’espoir de retrouver sa sœur.)
Tullia. — Je suis bien aise de savoir tout cela.
Méa. — Adieu, Tullia, mes affaires m’appellent.
Tullia, seule. — Cinq cents florins, cinq cents florins qui sortent de la monnaie ! tout appétissans, tout brillans, dit-elle ! Bien ! à quoi me servirait-il à moi, courtisane, d’avoir étudié les œuvres de l’Arétin ! Je ne saisirais pas l’occasion aux cheveux ? À mon secours tout ce que j’ai de mémoire. Voyons un peu : sa mère s’appelle Ciencia, sa femme Panta, son fils Renzo, son aïeule Bertoccia, son grand-père Gnagni de la Cupa. Il a des terres à Tubiano et à Laspina. Très bien, très bien, je m’en souviendrai.
La courtisane, décidée à se faire passer pour la sœur de Boccace, a chargé une femme nommée Lisa de lui amener le marchand. Lisa le rencontre et l’aborde.
Boccace, se croyant seul. — J’espère bien me rattraper sur ce diamant.
Lisa, l’abordant. — Gentilhomme de bien, ne pourriez-vous m’apprendre si ce n’est pas ici que loge un riche marchand pérugin de Pérouse ?
Boccace. — C’est moi-même, ma fille.
Lisa. — Seigneur, son excellence ma maîtresse (une femme admirable et qui ressemble moins à une femme qu’à une idée), vous supplie de l’écouter pour quelques petites minutes ; elle n’a que deux ou trois petites paroles à vous dire.
Boccace. — Volontiers ; si je savais où elle demeure j’irais moi-même. Mon joli visage, veux-tu me montrer la route ?
Lisa. — C’est moi qui vous en prie.