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d’un ordre inférieur ; il n’y a de place au Théâtre-Italien que pour les maîtres. Que les imitateurs chantent dans leur pays, les théâtres de la Toscane et de Naples leur sont ouverts ; qu’ils en profitent, et soient bien assurés que si dans tout le cours de leur carrière musicale, il leur arrive d’écrire un œuvre de quelque mérite, nous l’applaudirons tôt ou tard. Mozart, Cimarosa et Rossini, voilà les hôtes éternels de la salle Favart. Les compositions de ces grands maîtres, des deux premiers surtout, sont encore pleines de jeunesse et d’avenir ; il est du devoir et de l’intérêt d’une administration habile de nous les faire entendre sans relâche et d’en varier l’exécution autant qu’il est en elle, en ne craignant pas de confier à des artistes du plus haut talent une partie inférieure et jusque-là négligée, afin qu’il nous soit donné de comprendre un jour ces œuvres dans leurs moindres détails, et de voir resplendir sa plus petite note enchâssée en cette musique divine. Que le Théâtre-Italien aide le Conservatoire et ne se lasse pas de couvrir de ses plus beaux ornemens les partitions des maîtres ; qu’il force le public, attiré par les merveilles de l’exécution, à pénétrer dans le fonds de l’œuvre ; qu’il se serve de ses voix comme d’une glu magique pour fixer son attention sur des beautés sévères ; et tôt ou tard les saintes mélodies entreront triomphantes dans ces jeunes ames que le mauvais goût envahit. De telle sorte, le Théâtre-Italien a chez nous encore une carrière glorieuse et profonde à parcourir. Mais il n’a, je le répète, à s’occuper que des maîtres ; qu’il laisse le soin de produire les jeunes talens à l’Opéra français, si largement doté par l’état, et qui s’acquitte si bien de sa noble tâche. En effet, depuis quatre ans, combien d’efforts ont été tentés pour la gloire de l’école nouvelle ! Comme l’orchestre a sonné haut pour appeler les jeunes compositeurs, et, lorsqu’ils sont arrivés pâles, amaigris par les veilles, chargés du poids énorme de leurs partitions, comme les portes se sont ouvertes devant eux ! En vérité, si l’époque ne s’est pas levée en France de Mozart, de Beethoven et de Weber, ce n’est pas la faute de cette administration, si prompte à semer l’or partout où germait le talent. Certes, quand elle n’aurait pas acquis des droits à notre éternelle reconnaissance par les sacrifices sans nombre qu’elle n’a pas hésité de faire toutes les fois qu’il s’est agi de l’intérêt de l’art, il suffirait à la gloire de cette administration d’avoir remis au jour les chefs-d’œuvre de Gluck et de Spontini, et rétabli, dans leur intégrité primitive, ceux de Rossini si indignement taillés en pièces. Ainsi donc, qu’elle poursuive jusqu’à la fin sa mission de dévoûment à l’art ; et que le Théâtre-Italien laisse cette gloire sans partage à l’Opéra français, qui du reste en aura toujours bien assez d’autres à lui envier. — Je parlerai peu d’Ernani. Que dire en effet d’une musique sans caractère ni dessin, d’un orchestre monotone, vide et né-