Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/777

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
777
REVUE. — CHRONIQUE.

dirons rien ; nous lui rappellerons seulement qu’il ne faut pas battre sa nourrice ; qu’il n’oublie pas que ses admirateurs les plus ardens ne sont pas dans la littérature impériale. La jeunesse, qui s’est animée à sa voix, et qui ne s’attendait pas à le voir si tôt faire halte dans les antichambres du château, ne lui a pas demandé, pour applaudir à ses débuts, s’il avait lu le traité de Lucien sur la manière d’écrire l’histoire, s’il avait consulté les Institutions oratoires de Quintilien. Elle s’est livrée sans réserve à son enthousiasme, tandis que les poètes voltairiens se consultaient inutilement pour rattacher l’annaliste de la révolution aux écoles historiques de l’antiquité.

Pourquoi M. Thiers s’est-il cru obligé de répéter à l’Académie sa profession de foi politique, si verbeusement exposée au Palais-Bourbon ? Je ne sais. Est-ce que par hasard il se défiait de son mérite littéraire ? Ce serait de sa part une modestie bien puérile. A-t-il voulu trancher du grand seigneur, et donner à ces messieurs une leçon de sagesse ? S’il avait cette louable intention, il devait prendre un parti plus décisif et ne pas s’amuser aux niaiseries d’Athénée. Comme écrivain, il n’a pas été assez littéraire ; comme grand seigneur, il a été bien modéré dans sa morgue aristocratique. Il a été applaudi, et il méritait de l’être ; mais je l’eusse voulu plus nettement dessiné dans son allure.

Nous ne sommes pas assez heureux pour savoir quel jour et à quelle heure l’auteur de l’Ambitieux prononcera l’éloge de Marius à Minturnes ; mais puisque la mort de M. Parceval met un nouveau fauteuil à la disposition de l’Académie, ce sera pour elle, nous l’espérons, une occasion de se réhabiliter. Qu’elle appelle dans son sein M. Ballanche ou M. Hugo ; qu’elle rende une éclatante justice à l’auteur d’Antigone. Mais que M. Hugo se présente et qu’il ne recule pas devant les ennuis d’une candidature officielle ; car, si chacun des membres de l’Académie peut aller jusqu’à proclamer individuellement la supériorité de l’auteur des Orientales, on ne peut pas exiger d’un corps tout entier la même humilité et la même abnégation. Une société littéraire qui peut nommer comme siens Chateaubriand, Lamartine, Lemercier, Cousin, est en droit de traiter avec le poète le plus illustre et le plus populaire, sur le pied d’une égalité parfaite.

G. P.


L’abondance des matières (notre livraison fait déjà neuf feuilles passées au lieu de huit) et le temps qui nous presse nous forcent de renvoyer à notre prochain numéro notre Revue politique de la quinzaine, qui deviendra ainsi une Revue politique du mois.