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LES INDIENS DE LA PAMPA.

des rivières navigables, et là-dessus on fondait déjà de brillantes espérances d’établissemens : quelques petits engagemens eurent lieu, et on reprit aux Indiens beaucoup d’argenterie brisée (chafalonia).

Pendant ce temps, cette pauvre province de Cordova, si belle, si vaste, si déchirée, centre de la république et de toutes les révolutions, envoyait aussi un corps de troupes commandé par le colonel Reynafé, le même qui avait éprouvé un échec au Morro. Il rejoignit au Rio-Quarto un régiment des auxiliaires des Andes, vieux soldats des guerres du Pérou, que le gouvernement de Buenos-Ayres prêtait dans cette circonstance au général Quiroga, trop malade pour diriger en personne cette expédition, dont il était cependant nommé généralissime. Les auxiliaires avaient pour chef Ruiz d’Obro, Espagnol d’origine, fait prisonnier sur la côte du Pérou à bord d’une frégate, qui se rendit faute de vivres. — Ruiz d’Obro a établi des théâtres d’amateurs dans quelques villes des provinces voisines des Andes, a joué lui-même, et s’est depuis occupé d’apprendre à danser à ses officiers : la langue française lui est assez familière ; il a servi très jeune dans les armées de Joseph. — Quiroga le combla de richesses, lui confia son fameux régiment des auxiliaires ; mais le faste de Ruiz, et la bizarre idée de conduire une voiture dans la Pampa, pour une semblable guerre, déplut beaucoup au sévère général, qui lui en fit des reproches. Cependant ce fut Ruiz, aidé des Cordoveses, plus heureux cette fois, qui remporta les plus grands avantages sur la indiada du Morro, commandée par le fameux cacique Yanquetruz. De vieux soldats blessés dans l’action m’ont assuré n’avoir jamais vu combattre avec plus d’acharnement. À portée de canon, les Indiens laissèrent leurs chevaux, trop effrayés par cette artillerie de quatre pièces de petit calibre ; trois fois ils se précipitèrent la lance à la main, en poussant des hurlemens de rage, jusque sur les canonniers, et se jetant à plat ventre, essayaient de couper les jambes des fantassins. Les sauvages furent complètement battus, et harcelés à un tel point, qu’ils se virent réduits à manger leurs chevaux de combat et obligés de fuir à pied. Les captifs délivrés répétaient les plaintes du cacique à la vue des cadavres de ses deux fils, tués à ses côtés. Il arrachait sa longue barbe, et comme le roi Rodrigue, il