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REVUE. — CHRONIQUE.

tion populaire de son Histoire des Ottomans, et autour de ce bel ouvrage, après lequel il a pu se dire aussi l’exegi monumentum, il jette, comme autant de trophées, et son Encyclopédie des Sciences orientales, et son Alphabet des Caractères hiéroglyphiques, et son Voyage dans le Levant, et son Histoire de la Rhétorique persane, son Histoire des Assassins, et tant de poèmes orientaux qu’il publia fidèlement, le texte d’un côté, la traduction en regard.

L’année dernière, nous avons rendu compte de Gul et Bubul, l’idylle de l’amour, l’épopée de la rose et du rossignol. Voici venir maintenant un recueil de graves sentences, réunies sous le titre de Collier d’Or, et empruntées à Samachschari, l’un des plus grands philologues arabes. On lui doit plus de vingt ouvrages importans sur la grammaire, la rhétorique, la poésie, la lexicographie, etc., et quatre recueils de sentences, dont le plus célèbre est le Collier d’Or. On trouve, dit M. de Hammer, ce petit ouvrage dans toutes les bibliothèques de Constantinople, et les Arabes l’aiment surtout pour son harmonie de style et sa richesse de mots allitérés, qui retentissent à leur oreille comme les ornemens d’or que portent leurs femmes. Samachschari, naquit en 1074, dans le village de Samachschar ; il vécut long-temps auprès de la Mecque, ce qui lui fit donner le surnom de Voisin-de-Dieu, et c’est là qu’il écrivit son grand ouvrage sur le Coran.

Ses sentences, qui jouissent d’une si haute réputation, ne forment pas une suite de réflexions bien hardies, bien énergiques ; mais elles sont riches en images, pleines d’idées suaves et de poésie. Il ne faudrait y chercher ni la profondeur des pensées de Pascal, ni l’amère concision de La Rochefoucauld, ni les fins aperçus de La Bruyère ; mais on y trouverait souvent de la morale pratique comme dans les vers dorés de Pythagore, de la sagesse d’expérience comme dans Charron, et des idées de devoir comme dans Silvio Pellico. Ce qui les distingue surtout, c’est un profond sentiment religieux, une sorte de quiétisme oriental qui ramène tout à Dieu. Souvent sa phrase commence par un cri de repentir, et se termine par une prière ; souvent elle ressemble plus à une exhortation de prêtre qu’à une analyse de moralité. Souvent aussi, à travers sa gravité philosophique, perce son imagination de poète : il aime à faire des tableaux, à s’égarer dans une longue suite d’images et de comparaisons, et ses images sont pleines de grâce, et ses comparaisons pleines de justesse. Ce qui excite son indignation, ce qui enflamme sa verve, ce sont les vices des hommes, leur orgueil, leur égoïsme, leur convoitise, surtout leur ambition. Écoutez cette tirade contre la tyrannie : on ne dirait pas mieux de nos jours.