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seront plus heureux qu’auparavant ; fracas d’espérances déçues, qui forme cette grande clameur confuse qu’on appelle le bruit du monde. Prenez la moitié du genre humain, ajoutez-y les deux tiers de l’autre moitié, et demandez-leur si le total de leurs espérances et de leurs craintes n’est pas : — Rêves ! — Rêves ! — Rêves ! La foule tourbillonne dans le rayon de soleil, gaie, insouciante, imprévoyante, comme ces insectes qui voltigent un moment (c’est leur vie), et qui disparaissent à jamais. Les rêves de ceux-ci sont folâtres ; il y a d’autres rêves graves et sérieux. L’un vous parle de ses découvertes importantes, et l’autre de son histoire en prose ; celui-ci fait un roman et se plaît à créer un héros dont personne n’entendit jamais parler ; il dit que ce sont des Annales. Tel homme va chercher dans les catacombes du passé un nom obscur qu’il déterre ; il vous dit les mœurs secrètes du personnage, ses traits, son attitude, son costume. Vous diriez qu’il l’a connu long-temps avant sa naissance : tel autre s’amuse à dévider le vieil écheveau de la politique et de l’histoire. Il vous apprendra ce que tous les ministres d’autrefois ont voulu faire, leurs intentions secrètes, leurs secrets desseins. — Rêves ! — Rêves ! — Rêves ! »
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J’ai fait tort à Cowper en le traduisant ; l’émotion, le rhythme, la couleur, le sentiment, tout se flétrit et s’effeuille dans une prose étrangère. Quoi qu’il en soit, la révolution de la littérature anglaise date de lui. Crabbe, Wordsworth, Coleridge, se rapportent à son école ; toute la poésie anglaise a changé de face depuis la publication de ses œuvres, et la sévérité superstitieuse de sa doctrine n’a pas affaibli la puissance de son talent.

Malgré cette sévérité, c’est un écrivain plein de charme ; on le plaint de trembler si douloureusement sous l’idée de la vengeance divine ; on s’associe à ses peines ; on reçoit de lui de précieuses consolations. L’écrivain qui console est rare ; à peine en citerez-vous cinq ou six dont la parole puisse soutenir l’homme aux jours de la douleur. Et remarquez que ces consolateurs furent pour la plupart des misanthropes et des hypocondriaques. Lorsque votre ciel est sombre et que les nuées s’abaissent ; quand l’horizon se ferme et se rétrécit devant vous, autour de vous, que les voix amies se taisent, et que les voix ennemies deviennent menaçantes ; ouvrez