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LE POÈME DE MYRZA.

nesse ; elle jouait habilement le luth et la cythare, et, changeant de rhythme, de croyance et de langage selon les pays qu’elle parcourait, elle traversait les querelles philosophiques et religieuses de son siècle, semant partout quelques fleurs de poésie, et laissant sur ses traces un étrange et vague parfum d’amour, de sainteté et de folie ; bonne personne du reste, que les princes faisaient asseoir par curiosité à leur table, et que le peuple écoutait avec admiration sur la place publique. Voici son poème tel que, de traduction en traduction, il a pu arriver jusqu’à nous. Nous osons parfaitement le livrer aux savans, aux poètes et aux chrétiens de ce temps-ci, sachant le bon marché que notre siècle panthéiste fait de toutes choses, et la complaisance que son ennui lui inspire pour toutes sortes de rêves.



i.


En ce temps-là, long-temps avant le commencement des jours que les hommes ont essayé de compter, Dieu appela devant lui quatre Esprits, qui parcouraient d’un vol capricieux les plaines de l’espace : Allez, leur dit-il, prenez-vous par la main, marchez ensemble, et travaillez de concert.

Ils obéirent, et, ne se quittant plus, présidèrent chacun à une des œuvres de Dieu ; et un nouvel astre parut dans l’éther : cet astre est la terre que nous habitons aujourd’hui, et ces quatre Esprits sont les élémens qui la composent.

Mais deux de ces Esprits, se sentant plus puissans, firent la guerre aux deux autres.

L’eau et le feu ravagèrent la terre, et l’air fut tantôt infecté des vapeurs humides des marais, et tantôt embrasé des feux d’un soleil dévorant.

Et pendant un nombre de siècles que l’homme ne sait pas, mais qui sont dans l’éternité de Dieu moins qu’une heure dans la vie de l’homme, notre globe bondit dans l’immensité, comme une cavale sauvage, sans guide et sans frein ; sa course ne fut réglée que par