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LE POÈME DE MYRZA.

mollement sa poitrine ; les oiseaux la suivaient avec des chants de joie ; les papillons venaient se poser sur les fleurs qu’elle leur présentait ; les arbres se courbaient vers elle et lui offraient leurs fruits à l’envi l’un de l’autre. Elle mangeait les fruits, et loin de dévorer avidement comme les bêtes, semblait savourer avec délices les sucs parfumés de l’orange et de la grenade. Une biche, suivie de son faon, vint à elle, et lui offrit son lait qu’elle recueillit dans une conque de nacre, qu’elle porta joyeusement à ses lèvres en caressant la biche ; puis elle présenta la coquille au faon, qui but après elle, et qui la suivit, ainsi que sa mère.

Les Esprits suivaient en silence, et ne concevaient rien à ce qu’ils voyaient ; enfin ils se réveillèrent de leur stupeur et dirent : C’est assez nous laisser insulter par une œuvre de ténèbres et d’ignorance ; ce vain fantôme d’ange a un corps et se repaît comme les bêtes ; il doit être, comme elles, sujet à la mort et à la pourriture. Si la biche et son faon, si l’oiseau et l’insecte, si l’arbre et son fruit, si l’herbe et la brise se soumettent à lui, voici venir le léopard et la panthère qui vont le déchirer.

Mais le léopard passa sans toucher à la créature de Dieu, et la panthère, l’ayant regardée un instant avec méfiance, vint offrir son dos souple et doux à la main caressante de son nouveau maître.

— Voici le serpent qui va le couvrir de morsures empoisonnées, dirent les Esprits de haine. Le serpent dormait sur le sable. La créature divine l’appela dans cette langue inconnue qu’elle avait parlée à l’Éternel, et le serpent, déroulant ses anneaux, vint mettre sa tête humiliée sous le pied du maître, qui se détourna sans lui faire ni mal ni injure. L’éléphant s’approchant, les Esprits espérèrent qu’il les débarrasserait de l’étranger ; mais l’éléphant, ayant pris des fruits dans sa main, le suivit, obéissant à sa parole, et cueillant à son tour les fruits et les fleurs sur les branches les plus élevées pour les lui offrir avec sa trompe. Le chameau arriva, et, pliant les genoux, offrit son dos à l’étranger, et le porta dans la vallée. Alors les Esprits, transportés de colère, s’assemblèrent sur une cime élevée ; ils réunirent leurs efforts pour créer un monstre qui surpassât en laideur, en force et en cruauté les monstres les plus hideux qu’eut produits la terre. Mais comme le Seigneur, qui jusqu’alors avait habité avec eux, s’était retiré, ils ne purent rien