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haut de sa loge, à l’église Saint-Pierre, le Saint-Père a-t-il donné sa bénédiction solennelle, on annonce le moment des indulgences, et presque aussitôt il lance sur le peuple sa lettre de grâce. Des milliers de mains s’élèvent soudain pour saisir au passage le bienheureux papier qui voltige lentement dans l’air, comme s’il voulait choisir le groupe au milieu duquel il doit tomber. C’est alors un hourra universel. Les fidèles se poussent, se battent, se déchirent ; et quand, après une longue lutte et bien des blessures, un certain nombre s’est emparé des lambeaux du papier bénit, on peut voir les vainqueurs se servir gravement de leur conquête pour envelopper leur parmesan ou allumer leur cigare.

Revenant à la partie musicale de mon sujet, j’ajouterai que les cérémonies religieuses et les pratiques de dévotion fournissent aux Italiens une grande partie de leurs chants.

Pendant le carême, on voit des jésuites parcourir les rues des villes, suivis de quelques jeunes garçons, et par leurs chants inviter les enfans à venir assister aux leçons de l’école et du catéchisme.

La Vierge surtout est en grande vénération en Italie, et son culte y tient le premier rang ; elle fait la joie et l’espérance de toutes les classes, depuis le cardinal à la robe de pourpre jusqu’au pâle gardeur de buffles des Marais-Pontins ; elle a ses autels sur les côtes de la mer Adriatique, à Lorette, où les peuples font des pélerinages, où les rois venaient déposer leur couronne ; elle a son autel dans chaque cellule de religieuse, comme dans chaque boudoir, même dans celui de la plus jolie et de la plus voluptueuse Italienne ; elle est le palladium du pouvoir militaire du pape, comme elle est l’égide et la bannière des brigands de la Calabre. Aussi les chants que le peuple consacre à sa madone sont-ils innombrables.

À peine les cloches de l’église ont-elles annoncé l’Ave Maria, qu’au même instant, dans les maisons et dans les rues, chacun ôte son chapeau, fait de grands signes de croix, et récite la Salutation angélique. C’est en ce moment que, dans les rues de Rome, des confréries marchant processionnellement, s’arrêtent devant les niches des madones, et entonnent ce chant devenu si vulgaire dans les États Romains et dans presque toute l’Italie :


Cantiamo fideli