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saint, dans l’endroit où on lui a voué un culte particulier, où sa force spirituelle et son influence céleste, supérieures à celles de tout autre saint, lui ont fait donner par excellence le nom de il santo, a ses chansons à lui dédiées spécialement. Il n’est pas rare de voir figurer saint Marc dans les chants vénitiens, et san Gennaro, qui fait le beau temps et l’orage, ne joue pas à Naples un rôle moins important. Une mendiante de Padoue me chanta même à Rome le cantique si original Tredizi grazie, etc., sur le saint Antoine de son pays.

Dans toute l’Italie, il y a des chants consacrés à chacune des fêtes de l’église ; mais c’est surtout pendant le carême qu’ils sont plus fréquens, et que leur couleur mélodique est le plus en harmonie avec le sujet. Je citerai, entre autres, la chanson suivante que l’on chante en Apulie, pendant la semaine sainte, et dont la mélodie, intimement liée au texte, rend, avec une naïveté et une vérité dignes d’admiration, le sentiment de la douleur et de la contrition.


Jesù mio, con duri funi
Chi fù il reo chi te legò ?
Sono stato
Io l’ingrato,
Jesù mio,
Pardon, pietà !


Il est encore un acte de religion commun à tous les peuples de l’Italie, qui a donné naissance à un grand nombre de chants populaires, tant dans le midi que dans le nord ; c’est celui qui consiste à porter le viatique à un mourant. Les Italiens apportent à cette touchante cérémonie une attention toute particulière, une dévotion qui ne ressemble en rien à celle qu’ils montrent dans les autres pratiques religieuses, où ils suivent les préceptes de l’église plutôt par devoir et par habitude que par un véritable esprit de religion et de foi. On ne peut qu’admirer la résignation, l’abnégation merveilleuse, avec lesquelles ce peuple soumet sa raison, suspend son jugement, et laisse imposer à son intelligence des choses si étranges, que sa foi dans le mystère paraît aussi incroyable que le mystère lui-même.