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CORNILLE BART ET LE RENARD DE MER.

rai plus les histoires du vieux Jacobsen, le Renard de la mer, comme nous l’appelions autrefois, du temps qu’il était capitaine de mon père Antoine Bart, de ton grand-père, mon petit Jean…

— Oh ! contez, contez, mon père, s’écria Jean tout joyeux, en s’asseyant aux pieds de maître Cornille.

— Vous allez vous fatiguer de nouveau, mon ami, dit Catherine, songez donc que le physicien a surtout recommandé de peu parler.

— Bon… n’aie pas de crainte… je parlerai doucement… et puis ne faut-il pas que mon fils sache au moins que son grand-père n’est pas mort sans gloire, et comment il a succombé vaillamment sous le canon de l’Anglais ?

— Mon grand-père est mort blessé par l’Anglais ? s’écria Jean Bart en sentant sa colère se raviver contre John Brish.

— Oui, mon petit héros, c’est en combattant l’Anglais que ton grand-père est mort.

— Ah ! pour cette fois, fourche de John Brish… merci de moi… s’il ne reste pas meurtri de cette dernière râtelée ! — s’écria Sauret qui venait d’entrer avec une lampe de cuivre à trois becs.

Mais un regard sévère de mademoiselle Bart l’arrêta court. Aussi, mettant sa lampe sur un des bahuts, il resta muet et confus.

— Allons, pardonne-lui, Catherine, c’est un vieux et fidèle serviteur qui aime notre petit Jean à sa manière, dit Cornille ; — et sur un signe de Catherine, il ajouta : — Ma femme te pardonne. Allons, va chercher ton chantier et ta galère, mets-toi là, et viens écouter aussi, car tu aimes autant ces récits que mon petit Jean lui-même.

Sauret sortit tout joyeux et revint bientôt avec sa galère et ses outils, puis il s’assit par terre, aux pieds de maître Cornille.

À ce moment, le canon, qui avait cessé, se fit entendre de nouveau.

— Le canon ? — C’est le canon, s’écria Jean en bondissant sur son escabeau.

— Oui, le feu recommence, dit Cornille.

Catherine se signa, et prit sa quenouille.

— Et sur ma foi, mon petit Jean, toute cette artillerie accompagnera dignement le récit des faits d’armes de ton grand-père et