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ANDRÉ.

— Il y a du genêt d’Espagne dans mon bouquet. Déchirez-en une fleur.

— En vérité vous avez raison, mais vous êtes bien sévère. Tant mieux pourtant, il y a beaucoup à profiter avec vous. Continuez donc à m’instruire, je vous en prie.

André examina tous les cartons, et trouva peu à critiquer, beaucoup à louer ; mais il ne négligea aucune occasion de relever les fautes légères de l’artiste, car il sentit que c’était le moyen de captiver l’attention et de rendre sa présence désirable.

— Puisqu’il en est ainsi, dit Geneviève quand il eut fini, je n’oserai plus achever une fleur nouvelle sans vous consulter ; car vous en savez plus que moi.

— Vous en sauriez bien vite autant, si vous vouliez faire de votre art une étude un peu méthodique. Certainement, à force de recherches et d’observations, vous savez une infinité de choses que je ne saurai jamais ; mais l’ordre qu’on m’a fait mettre dans cette étude, m’a appris des choses très simples que vous ignorez. M. Forez avait pour cela une méthode admirable et d’une clarté parfaite.

— Et comment faire pour savoir ? dit Geneviève.

— Laissez-moi vous apporter mes cahiers et mon herbier ; avec une heure d’application par jour, vous en saurez dans un mois plus que M. Forez lui-même.

— Oh ! que je le voudrais ! dit Geneviève ; mais cela est impossible. Orpheline et seule comme je suis, je ne puis recevoir vos visites, sans m’exposer aux plus méchans propos.

— N’êtes-vous pas au-dessus de ces puériles attaques ? dit André. À quoi vous a servi toute une vie de retraite et de prudence, si vous êtes aussi vulnérable que la plus étourdie de vos compagnes, et si, au premier acte d’indépendance que votre raison voudra tenter, l’opinion ne vous tient aucun compte d’une sagesse que vous avez si bien prouvée ?

— L’opinion, l’opinion !… dit Geneviève en rougissant. Ce n’est pas que je la respecte ; je sais ce qu’elle vaut, dans ce pays du moins ! mais je la crains. Je n’ai pas de famille, personne pour me protéger ; la méchanceté peut me prendre à partie, comme elle a