Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/662

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
658
REVUE DES DEUX MONDES.

fait tant de fois pour de pauvres filles qui avaient bien peu de torts à se reprocher. Elle peut me rendre bien malheureuse…

— Oui, si vous manquez de caractère ; mais si vous avez le juste orgueil de la vertu, si vous êtes pénétrée de votre propre dignité…

— Ne me dites pas cela, on me reproche déjà d’être trop fière.

— Si j’avais le droit de vous faire un reproche, ce ne serait pas celui-là

— Et lequel donc ? dit Geneviève vivement, puis elle s’arrêta tout à coup, et André lut sur son visage qu’elle était fâchée d’avoir laissé échapper cette question, et qu’elle craignait une réponse trop significative.

— Je n’ai pas ce droit, répondit-il tristement, et je ne me flatte pas de l’avoir jamais. Vous craignez le blâme, quelle raison assez forte auriez-vous pour le braver ? Ne faites pas attention à ce que je vous ai dit. Je déraisonne souvent.

— Cet aveu n’est pas rassurant, dit Geneviève en s’efforçant de sourire, pour quelqu’un qui comptait vous demander souvent des conseils.

— Sur la botanique ? reprit André. Je vous enverrai mes cahiers. Si quelque passage vous embarrasse, veuillez faire un signe sur la marge, et me le renvoyer ; je demanderai une explication détaillée à M. Forez et le prierai de la rédiger lui-même. Je vous la ferai parvenir par Mlle Marteau ou par Mlle Henriette, ou par telle autre personne que vous me désignerez. De cette manière, il me sera impossible de vous compromettre, et je ne serai pour personne un sujet de trouble et de scandale.

Geneviève fut affligée de l’entendre s’exprimer d’un ton froid et blessé. Sa douceur et sa sensibilité naturelles parlèrent plus vite que sa raison.

— J’aimerais mieux, dit-elle, recevoir ces explications de vous directement ; je comprendrais plus vite et je pourrais vous remercier moi-même de votre complaisance. Je ne sais pas comment il me deviendra possible de recevoir vos avis ; mais j’en chercherai le moyen… S’il me faut y renoncer, croyez que j’en aurai du regret, et que je conserverai de la reconnaissance pour vous.

Elle s’arrêta toute troublée, et André se sentit si ému, qu’il craignit de se mettre à pleurer devant elle. C’est pourquoi il se