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UNE BONNE FORTUNE.

xi.

J’ignore vers quel temps Belzebut l’a construite.
Peut-être est-ce un mammouth du règne minéral.
Je la prendrais plutôt pour quelque aérolithe,
Tombée un jour de pluie, au temps du carnaval.
Quoi qu’il en soit du moins, les flancs de l’animal
Sont construits tout à point pour l’ame qui l’habite.

xii.

Cette ame, c’est le jeu ; mettez bas le chapeau,
Vous qui venez ici, mettez bas l’espérance.
Derrière ces piliers, dans cette salle immense,
S’étale un tapis vert, sur lequel se balance
Un grand lustre blafard, au bout d’un oripeau,
Que dispute à la nuit une pourpre en lambeau.

xiii.

Là, du soir au matin, roule le grand peut-être,
Le hasard, noir flambeau de ces siècles d’ennui,
Le seul qui dans le ciel flotte encore aujourd’hui.
Un bal est à deux pas ; à travers la fenêtre,
On le voit çà et là bondir et disparaître
Comme un chevreau lascif qu’une abeille poursuit.

xiv.

Les croupiers nasillards chevrotent en cadence
Au son des instrumens leurs mots mystérieux ;
Tout est joie et chansons ; la roulette commence ;
Ils lui donnent le branle, ils la mettent en danse,
Et, ratissant gaiement l’or qui scintille aux yeux,
Ils jardinent ainsi sur un rhythme joyeux.