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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

« La belle jeunesse de la classe moyenne est en pleine opposition contre le gouvernement, turbulente, mais non pas à la manière de nos étudians. Avec l’avenir qu’elle se fait, c’est un vrai miracle qu’elle ne soit pas dix fois pire. On ne peut nulle part voir plus clairement que par elle combien sont misérables tous les moyens que les gouvernemens emploient pour étouffer l’esprit du siècle. Ici, où l’éducation est remise aux jésuites, où l’on ne souffre aucun club, aucune gazette libérale, aucun livre qui ait pour objet l’état actuel du corps social et de l’église, ici où tout vit de l’église et du gouvernement, celui-ci n’a d’influence qu’autant qu’il a de l’argent à répandre et des places à donner. On s’arrangerait volontiers avec lui s’il possédait encore ses anciennes ressources ; mais il ne peut plus satisfaire désormais ; il blesse trop la vanité nationale, mobile si puissant dans les temps modernes, et pourtant si peu ménagé, mobile de la volonté et de l’action des peuples. »

« … L’égalité dans la vie pratique à côté de l’immense inégalité écrite dans les lois ; cette possibilité d’arriver promptement aux richesses et aux dignités par l’appui d’un parent ecclésiastique ou par la protection occulte des femmes, auprès de l’insignifiance politique de la noblesse considérée comme noblesse, produisent aussi dans Rome cette bizarre contradiction, qu’on méprise ce qu’on ambitionne et qu’on ambitionne pourtant ce qu’on méprise ; que chacun cherche son point de vue plutôt en dehors qu’au dedans de sa sphère, et que, pour le cas au moins possible d’un mouvement politique, les élémens de désordre s’offrent en foule, mais pas un pour le maintien de l’ordre et pour l’établissement d’un nouvel état politique au moins supportable, sans le pouvoir de fer d’un despote. »

Nous avons été entraînés par la force des préoccupations actuelles, et peut-être à notre insu, à ne considérer que sous une seule face le livre que nous avons sous les yeux. C’est donner sans doute une idée incomplète d’un tableau aussi complet qu’on peut le désirer ; mais l’espace nous manque pour étendre nos citations sur d’autres objets. Depuis long-temps nous n’avions rien lu qui fut aussi impartial, aussi net et aussi précis.

Schattenrisse aus Suddeutschland (Silhouettes de l’Allemagne méridionale), par W. Alexis. 1 vol. in-12, Berlin.

D’un auteur libéral nous passons à un autre qui ne l’est guère, ou du moins ne l’est qu’à son corps défendant. M. Willibald Alexis, ou, pour parler plus exactement, M. Hœring, est l’un des plus distingués de cette classe d’écrivains qui ont fleuri à l’ombre du sapin royal de Brandebourg, et craignent toujours une atteinte au système qui leur a fait de doux loisirs.