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que l’idée dont le mot Hœflichkeit n’est que la représentation bornée. Les professeurs font de la méthode : M. de Rumohr a donc divisé son livre en deux parties, dont l’une traite des Instrumens de la politesse ou de la personne de l’homme, et l’autre, de l’Application de la politesse aux différentes situations et circonstances de la vie.

Les instrumens de la politesse sont les parties du corps, comme qui dirait les outils de la profession d’homme poli : l’ame est aussi au nombre de ces outils ; le professeur enseigne, avec un soin précieux, la manière de s’en servir. Nous avions cru trouver dans la seconde partie une savante amplification de cette bonne et simple Civilité puérile et honnête que nous voyions naguère avec ses caractères gothiques entre les mains des petits enfans. Nous nous attendions à voir dévoiler par un des adeptes ces riens importans, ces lois de convention, ces nécessités incroyables, ces plaisirs et ces besoins contre nature, qu’on croit, à tort ou à raison, être le code de la société aristocratique. M. de Rumohr se borne, dans les chapitres les plus importans, à recommander aux femmes de prendre dans un salon, l’air pensieroso qui fait bon effet, et aux députés d’avoir de l’esprit. Mais il nous tarde pour nos lecteurs d’en venir aux citations ; nous prévenons que M. de Rumohr écrit avec un grand sérieux, et qu’il a trop d’urbanité pour se permettre l’ironie.

« … On a coutume de résumer la bonne tenue du corps dans cette simple formule : Rentrez les épaules et le ventre, la poitrine en avant ! De tels aphorismes ne se trouvent point par hasard, et sont plutôt le produit des réflexions de plusieurs siècles… »

« … Il faut, pour la grâce, changer quelquefois la position du bras : si les occasions manquent, on peut assez bien remplir cette lacune par l’invention. Portez la main au front comme si vous sentiez un léger mal de tête ; élevez la main en l’air comme pour chasser un insecte, ou pour ôter un peu de poussière sur votre habit, et ainsi de suite… »

« … On peut toucher un frais et gracieux paysan plus rudement et avec plus de cordialité que le fils d’un ministre. On ne doit plus toucher celui-ci passé sa huitième année, on peut toucher l’autre aussi long-temps et aussi tard qu’on le veut. Il ne faut pas caresser sa femme ou sa maîtresse avec une telle rudesse, qu’il en puisse résulter un dommage pour sa beauté, ce qui arrive quand on lui tire ou pince la figure, ce dont on doit en conséquence s’abstenir. » (De l’usage de la main et des doigts, p. 26.)

« … Tourner vivement la tête donne la facilité d’apercevoir promptement les objets : ainsi la réussite des entreprises, l’éloignement des dangers, et tout ce qui en dépend, sont la conséquence naturelle de cette facilité… »