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usage. Chez lui, on le sait, la pensée domine le caractère, et le caractère domine l’action ; pourvu que ses personnages parlent sensément, il ne s’inquiète guère de les engager dans une action vraisemblable et animée. Ils sont vrais, leur langage est plein de révélations, cela suffit au poète ; ils se peignent et n’ont pas besoin d’agir. Mais l’histoire ne peut se plier à ces conditions.

Quelle sera la forme de la comédie historique ? Ni Molière, ni Beaumarchais, voilà ce qui est certain. Mais la réflexion peut tout au plus prévoir ; et non pas prescrire l’avenir ; seulement il est permis d’affirmer que cette forme, quelle qu’elle soit, naîtra pour la comédie nouvelle, et de la comédie elle-même, comme l’écorce pour la tige qui s’élargit.

La comédie politique empruntée aux caractères contemporains impose au poète d’autres conditions et d’autres difficultés ; dans tous les gouvernemens imaginables, au milieu des institutions les plus libérales, il sera toujours déraisonnable d’identifier la satire et la comédie politique. Sans vouloir museler la raillerie, sans imposer silence à l’ironie vengeresse, sans mutiler l’expression de la pensée publique, le pouvoir le plus loyal et le plus généreux ne confondra jamais la satire et la comédie dirigées contre la marche des affaires.

La satire a ses dangers sans doute, elle peut ruiner prématurément des hommes et des projets qui n’ont pas encore fait leur temps ; mais contre une pareille attaque la meilleure défense n’est pas la fuite. Or, si je ne me trompe, confisquer la raillerie équivaut à la fuite ; il faut accepter la satire ingénieuse et hardie, engager la lutte avec elle, braver ses coups, recruter une armée digne de la combattre, ne pas trembler devant l’épée qui luit, mais appeler à son aide des lames aussi fines, aussi acérées ; et si la bataillé est impossible, se ménager au moins une retraite savante et glorieuse.

Mais l’homme d’état qui se résigne à la satire n’a pas toujours le droit de lui permettre l’entrée de la scène ; l’action exercée sur la foule par les représentations dramatiques est tellement puissante, tellement soudaine, tellement irrésistible, qu’une fois personnifié sous le masque d’un comédien, le ministre ne pourrait plus se présenter devant les chambres ; il aurait beau marcher tête haute, défier le rire glapissant qui le suivrait partout, et invoquer