Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
REVUE DES DEUX MONDES.

glie un ministre complaisant et un commis facile. Qu’on vienne nous dire maintenant qu’il n’y a pas eu de changement ministériel !

M. Guizot n’a pas voulu faire le miracle à demi. Il a voulu se réformer lui-même, et il a passé aussi sur sa personne la couche neuve dont reluit depuis vingt jours tout ce ministère fraîchement recrépi. M. Guizot, qui ne parlait jadis que de réduire et d’exterminer ses adversaires, se déclare prêt à les recevoir dans son giron ; il abjure ces étroites haines bourgeoises dont M. Thiers est si violemment saisi, et il déplore sa situation circonscrite dans le ministère spécial où il est relégué, uniquement parce qu’elle l’empêche d’accomplir ses desseins pacifiques. Que ne ferait pas M. Guizot, s’il était au ministère de l’intérieur, à la source des fonds secrets ! Que de travaux encouragés, que de mérites enfouis dans les clubs et dans les utopies républicaines, seraient appelés à se mettre en lumière et convoqués pour un noble but ! M. Guizot montre d’un air d’orgueil ce qu’il a fait pour la presse départementale, avec le maigre fonds destiné aux études historiques. Plus de cinquante écrivains des journaux de l’opposition, dans les provinces, ont été détournés de la polémique quotidienne par les missions scientifiques qui leur ont été données. Ce n’est pas M. Guizot qui emploierait les fonds spéciaux à donner sa protection exclusive aux artistes, en échange des dessins, des tableaux, des bronzes et des marbres dont ils doteraient sa famille ; ce n’est pas lui qui apporterait dans la répartition des faveurs ministérielles des souvenirs de haines ou d’amitiés personnelles ; ce n’est pas lui qui laisserait encombrer les cartons d’arrêtés anéantis faute de signature ! Toutes ces pensées, M. Guizot ne les témoigne pas par des paroles expresses, sa prudence est trop grande, mais son geste, son regard, un mot jeté avec intention, tout dit en lui que l’esprit et le caractère de M. Thiers ne s’accordent pas avec son nouveau système, et qu’il ne regardera le ministère comme un et complet que le jour où le portefeuille de l’intérieur sera remis entre ses mains.

Tout en assouplissant M. de Broglie, dont le roi redoutait l’inflexibilité, M. Guizot n’a pas négligé les moyens d’établir que la présidence est réelle, et que la couronne a fait cette concession au principe fondamental de notre gouvernement. Un poète dirait que M. Guizot a peint en fer le roseau qu’il faisait en même temps courber. Le fait est que depuis le remaniement ministériel, le conseil a été tenu trois fois au ministère des affaires étrangères, dans le salon de M. de Broglie ; grande manœuvre pompeusement annoncée dans les journaux ministériels, et qui a confondu tous les habiles du tiers-parti.

Le premier de ces conseils, tenu le 16, a été consacré tout entier à l’examen des principes du gouvernement et des bases sur lesquelles repose