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ALGER.

peuvent être très favorables à notre politique vis-à-vis de ces populations ; il n’y a aucune conséquence à en tirer par rapport à l’établissement agricole.

Hors à Bougie, nous n’avons, jusqu’à présent, guère été en contact avec les Kabaïls, et personne, parmi les partisans les plus décidés de la colonisation, ne leur a encore envié les rudes contrées où ils se sont maintenus contre les Romains et les Arabes. Il y aurait aussi peu de profits que de motifs à cette guerre contre une population belliqueuse qui, inexpugnable derrière ses rochers, n’aura pas la moindre envie, lorsqu’elle sera une fois rassurée sur nos vues, de venir nous disputer les positions qu’il peut nous être avantageux d’occuper sur les côtes et dans les plaines.

La colonisation ne peut donc convoiter que les plaines possédées par les Arabes. Quoique nombreuses, les notions que nous avons recueillies sur l’institution de la propriété parmi ces peuples ne sauraient être complètes, et ce que nous en savons reproduit la confusion qui existe dans les choses. Dans la plaine même de la Mitidja, aux portes d’Alger, ce qu’on appelle ferme n’a point de limites fixes, et l’étendue n’a d’autre désignation que le nombre de paires de bœufs nécessaire à sa culture. En général, la propriété a ce caractère de communauté municipale que lui a imprimé la domination romaine dans toutes les îles de la Méditerranée : un canton appartient à une tribu, et tout membre de celle-ci a la faculté d’y cultiver chaque année une place qu’il abandonne après la récolte pour être, au bout de quelques années de repos, ensemencée au même titre par un autre : tout le reste du terrain est destiné à la pâture des troupeaux communs. L’incertitude des limites, les besoins des troupeaux, l’état des pâturages, ne peuvent manquer d’être l’occasion de fréquens démêlés entre les tribus voisines. Pendant que les récoltes sont sur pied, la diplomatie les résout ou plutôt les ajourne : mais, vers le mois de septembre, la saison de la guerre s’ouvre pour l’Arabe, comme pour nous celle de la chasse. Ces alternatives des méditations de la vie pastorale et des agitations de la guerre ont développé à un haut degré ses facultés : il n’oublie rien, surtout les injures ; son point d’honneur ne consiste pas, comme le nôtre, à braver le danger, mais à l’éviter, à le faire re-