Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
REVUE DES DEUX MONDES.

tions ; l’étendue des terrains fertiles est considérable, et cependant après cinq ans sur les 25,000 hectares du plateau, 150 à peine sont cultivés. La terre ne manque donc point aux colons, mais les colons à la terre, et rien n’est plus vain, pour le moment, que le système de colonisation ; les essais de culture que nous voudrions projeter au loin dans la plaine n’auraient d’autre effet que de multiplier à l’excès les dépenses et les difficultés, et s’opiniâtrer à des combinaisons dans lesquelles les avantages sont si inférieurs aux charges, c’est en réalité vouloir dégoûter la France de ses possessions d’Afrique et travailler à leur abandon.

On voit donc que la colonisation indéfinie présente peu d’avantages, coûterait énormément et est à peu près impossible, du moins aujourd’hui. C’est dans un autre ordre de faits et d’idées qu’est placé le système à suivre.

Les Turcs étaient pour les Arabes et les Kabaïls des maîtres et des ennemis. Leur force, dans la régence, n’était pas de plus de huit mille hommes, aidés d’autant de Colouglis ; et, s’ils n’avaient eu affaire qu’aux indigènes contre lesquels nous nous tenons sur la défensive avec trente mille hommes, rien n’était mieux assuré que la continuité de leur domination, déjà ancienne de trois siècles. Ce résultat était bien moins dû à une communauté de croyances, dont l’avantage peut être compensé, qu’à une politique qu’il nous serait facile d’imiter, que les Anglais observent dans l’Inde, que Bonaparte s’appropria instinctivement en mettant le pied sur le sol de l’Égypte.

Le principe de cette politique était simple : À nous les villes et la mer ! à vous les campagnes ! avaient dit les Turcs aux Arabes. Nous nous réservons ce dont vous ne voulez pas, et, sauf le tribut qui est objet de religion, nous nous interdisons de vous troubler dans vos campagnes où nous n’avons que faire. Nous n’interviendrons entre vous que pour régler vos débats et protéger les caravanes. De la sorte, il n’existera entre nous aucun sujet de collision, et la paix sera le résultat naturel de la divergence de nos directions.

Les Anglais ont agi de même dans l’Inde. Soigneux de ménager les coutumes, les préjugés des indigènes, ils ont évité, vis-à-vis d’eux, tout contact étranger aux opérations commerciales qui rapprochent les hommes sans les mêler. De nombreux froissemens