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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

faiblesse de l’exécution, et saisissait l’ame du spectateur. Aujourd’hui encore, si vous entrez dans la salle où la série des grands prix de peinture est exposée, parmi tant d’ouvrages complètement insignifians, le tableau de M. Bouchot est du très petit nombre de ceux qui captivent l’attention. M. Bouchot est bien là l’élève de M. Lethière ; vous retrouvez cet aspect sauvage qui pétrifie la foule devant le tableau des fils de Brutus. Depuis ce temps, si ce n’est des portraits dépourvus de force et de simplicité, nous n’avons vu de M. Bouchot qu’un tableau d’églogue antique dans lequel le peintre avait vainement essayé d’animer, avec les teintes vives et fraîches de Rubens, ces débauches de bouffonnerie mythologique dont l’antiquité ne nous a pas laissé le secret. Les Funérailles du général Marceau, tableau dans lequel se montre toute l’expérience d’un homme arrivé à la maturité de son talent, nous rappellent cependant la Mort de Clytemnestre, exposée à l’École des Beaux-Arts, et le tableau des fils de Brutus. M. Bouchot a pour lui le succès populaire, et l’opinion des artistes ne dément pas l’instinct de la foule. Un mérite qu’on ne peut contester à M. Bouchot, c’est d’avoir le premier su conserver le sentiment historique dans une scène de notre histoire moderne, sans altérer la vérité du costume, ni la vraisemblance de l’action. Ajoutez à cela que l’émotion qui ressort du sujet a saisi le peintre, et s’est reproduite avec énergie sur la toile. Il n’y a pas jusqu’au fond grisâtre et froid de l’ouvrage qui ne soit en harmonie avec la solennité triste de la scène, et ne contribue à l’effet qu’elle produit. On voudrait sans doute plus d’air, une perspective plus exacte, une meilleure disposition des groupes ; tout n’est pas d’une correction irréprochable, et généralement le dessin manque de finesse et d’élévation. Quelques têtes sont bien peintes, particulièrement celle du jeune officier autrichien qu’on voit à la gauche du tableau. M. Bouchot a mal fait, je crois, d’arrondir le bras du mort, que les soldats autrichiens et français portent à sa dernière demeure ; cette souplesse peu naturelle donne au cadavre l’apparence d’un blessé évanoui. C’est là le seul reproche sérieux qu’on puisse adresser à M. Bouchot, sous le rapport de la clarté. Les soldats républicains, tels que M. Bouchot les a conçus, sont bien des soldats sans souliers et sans linge, dans toute la vérité de l’histoire, mais il n’y a pas d’apparence d’ironie dans