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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

tentatives. J’aurais voulu, pour M. Boulanger, qu’il pût apporter sous son bras la Judith et le Prophète, les accrocher furtivement un quart d’heure, et se dire : Je marche, mais je n’arrive pas encore.

On sait gré à M. L. Boulanger d’avancer ; on remercierait volontiers M. Schnetz de ce qu’il veut bien se soutenir. Se soutenir, pour M. Schnetz, c’est faire un tableau d’une couleur franche, d’une composition heureuse, et dans laquelle se trouve une figure d’une expression miraculeuse : c’est celle de la jeune fille malade, que la vieille mère couvre de son corps, pour la défendre des attaques d’un de ces Allemands qui pillèrent Rome en 1527, à la plus grande gloire de l’empereur Charles-Quint. Heureusement que ce reître est ivre-mort, sans cela nous en voudrions à M. Schnetz du choix d’un pareil sujet. Cette figure d’ivrogne me rappelle, je ne sais pourquoi, la Vieille folle, que M. Pigal a si drôlement représentée, serrant, avec une énergie michelangesque, son bancal de mari entre deux portes. Je puis réparer ainsi un oubli grave que ce dédale de tableaux m’a fait commettre. M. Biard, dont la marche, il y a deux ans, nous semblait indécise entre Robert et Charlet, paraît s’être décidée pour la voie la moins sérieuse. Son bon Gendarme, son Apprenti barbier, arrachent le rire comme les meilleurs J. Steen ; ces deux petits chefs-d’œuvre sont de plus touchés avec délicatesse. M. Biard comprend tout ce que ce genre de peinture exige de finesse dans l’exécution. J’aime beaucoup moins la Traite des Nègres, tableau dans lequel M. Biard a procédé par accumulation comme Hogarth. Ce n’est pas que je ne reconnaisse, sous un aspect gris et lourd, un grand mérite de dessin et d’expression dans ce tableau : je me plains seulement de ce que la représentation d’un sujet si odieux amuse ma vue sans émouvoir mon ame. J’ai beau faire, la Traite des Nègres, avec ses horreurs d’esclaves martyrisés et garottés, me fait l’effet d’un pendant aux Comédiens ambulans du même peintre.

C’est aussi par le défaut d’une expression profonde, ou plutôt par l’absence d’un mérite saillant au milieu de beaucoup de qualités estimables, que pèche le tableau de M. Vinchon, destiné à la chambre des députés, et représentant Boissy d’Anglas devant la tête de Féraud. Je n’en suis pas moins émerveillé qu’un résultat si