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REVUE DES DEUX MONDES.

Royaume du savoir, grande et calme cité
Où loge tout problème et toute vérité.
Par ses mille chemins tu vas et te promènes,
Tu fais signe, en marchant, aux sciences humaines,
Et chacune aussitôt, d’un pas obéissant,
Accourt au lieu marqué par ton geste puissant.
Et toi, législateur des célestes compagnes,
Tu les ranges d’en haut, du haut de tes montagnes,
Comme un chef en bon ordre étend ses bataillons,
Ou comme un laboureur espace des sillons.
Oui, tu l’as bien choisi ce lieu pour ta pensée ;
Ici devait mûrir ton œuvre, commencée
Ailleurs, en d’autres temps, au bord de cette mer,
Dans ces prés embaumés, dont tu respirais l’air :
Tu te souviens,… les prés, les orangers d’Hières,
Rives toujours en fleur et toujours printannières ;
Nos courses à tous deux dans ces champs caressés
D’une brise salubre à tes poumons lassés ;
Toi, joyeux de marcher, moi de te voir revivre ;
Aidant tes pas, ou bien te lisant dans un livre
Pris au hasard, parfois te murmurant mes vers,
Éclos d’un beau soleil de ces tièdes hivers ;
Mais plus souvent, mon père, écoutant tes pensées
Incertaines encor, mais nombreuses, pressées,
Et renfermant déjà, dans la tige enfoui,
Le bourgeon maintenant en fleur épanoui.
Ici tout a changé : plus de pensers malades,
Plus, sous les orangers, de molles promenades ;
Ici tout est plus fort ; ton dessein a grandi,
Ton œuvre, alors à l’aube, a touché son midi.
Où comprendrais-tu mieux l’esprit caché des choses
Qu’en ce pays qui vit tant de métamorphoses ?
Vous les savez, ô monts qui couliez embrasés,
Ô générations de volcans épuisés !
Là, commença ses jours, éclatante agonie,
Pascal, aigle blessé des foudres du génie.
Oui, ces lieux, ils sont grands, mon père, et tu fais bien