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CONTEMPLATION.

Un homme osa tenter ces ténèbres profondes[1]
Et se jeter vivant dans ce gouffre des mondes,
Cet homme était Kepler, l’intrépide Germain
Qui, changeant mille fois de guide et de chemin,
Des sons et des couleurs consultant l’harmonie,
Vingt ans de rêve en rêve égara son génie ;
Car à tout, de ce monde, il demandait les lois,
Même aux songes hardis des sages d’autrefois.
Un jour il les trouva : « Je puis, dit-il, attendre,
Si le siècle où je vis n’est pas mûr pour m’entendre,
Pour qu’on apprît les lois de ces globes roulans,
Le Dieu du ciel m’a bien attendu six mille ans ! »
Du Christ de la science annonçant la venue,
Kepler du tabernacle avait ouvert la nue ;
Alors du Dieu voyant, adoré par Platon[2],
Le verbe se fit homme, il s’appela Newton ;
Il vint, il révéla le principe suprême,
Constant, universel, un comme Dieu lui-même.
Les mondes se taisaient, il dit : Attraction !
Ce mot, c’était le mot de la création.
Cependant, par-delà les orbes planétaires
L’homme retrouve encor d’insondables mystères ;
Et comment pourrions-nous par des pensers certains
Atteindre de si bas des astres si lointains,
Que peut-être il en est, dont, jamais observée,
La lumière voyage et n’est pas arrivée ?
Mais voici la merveille, et des étonnemens
Le plus grand… la science a ses pressentimens :
S’il est là des soleils, s’il est là des orbites,
Des planètes tournant avec leurs satellites,
À ces mondes perdus dont son génie est roi,
D’ici Newton leur maître impose encor sa loi !
Que dis-je ? on a sondé ces régions voilées ;
Les bornes du possible ont été reculées !

  1. L’astronomie, ou connaissance des lois du système planétaire.
  2. Mécanique céleste, fondée sur l’attraction.