Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
REVUE DES DEUX MONDES.

souffle s’échappait péniblement de sa poitrine, et déjà ses pieds et ses mains avaient été atteints du froid de la mort. Le lendemain, deux fosses étaient creusées au champ des morts de Lattaquié, et deux ames, que la mort n’avait pu séparer, étaient remontées vers Dieu.


J’arrive maintenant à ce qui me semble le plus curieux, le plus digne d’attention dans le pays de Laodicée ; je veux parler de la peuplade qui habite les montagnes voisines de cette ville, et qui est connue sous le nom d’Ensyriens, de Nosaïris ou d’Ansariens. Les savans ne connaissent que très imparfaitement la peuplade ansarienne renfermée dans ses montagnes comme dans des forts inaccessibles ou dans des sanctuaires interdits aux profanes. La religion, les mœurs, les coutumes des Ansariens sont encore enveloppées de mystérieuses ombres. Ce que je vais rapporter, c’est le fruit des conjectures les plus probables, le résultat de longues observations faites par les chrétiens du pays ; c’est surtout ce que les gens les plus éclairés de la côte ont pu comprendre par la lecture de quelques livres ansariens qu’un heureux hasard a fait tomber entre leurs mains.

Les Ansariens sont partagés en différentes sectes, parmi lesquelles on compte la secte des adorateurs du soleil, celle des adorateurs de la lune, celle des adorateurs de la femme ; le nombre des villages qu’ils habitent s’élève à plus de sept cents ; ils forment une population d’environ cent mille ames. Les Ansariens regardent Jésus-Christ et Mahomet comme deux grands prophètes amis de Dieu ; ils ont des fêtes musulmanes et des fêtes chrétiennes ; la Noël, la Pâque, l’Épiphanie, la Pentecôte et la Circoncision, sont célébrées, par deux sectes ansariennes, les Chemelié et les Clésié ; les autres sectes ne célèbrent que la solennité de Noël. Voici quelques cérémonies en usage chez les Ansariens, le jour des fêtes chrétiennes. Les travaux des champs sont suspendus ; on se pare des plus beaux habits. Les hommes choisissent pour lieu de rendez-vous un des villages qui possèdent un cheik eulm ou prêtre savant ; ils se réunissent dans une maison dont la porte est sévèrement gardée. L’approche en est défendue aux femmes, aux enfans et aux étrangers. Là, chacun fait son oraison. Le cheik qui pré-