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VISITE À LATTAQUIÉ.

side a devant lui un grand vase rempli de vin ; le prêtre boit de ce vin et en offre à tous les assistans ; c’est, comme vous voyez, une espèce de communion. Ceux qui, dans le courant de l’année, pour obtenir des graces particulières, ont promis des dons tels qu’un bœuf, un mouton ou une chèvre, apportent ce jour-là l’offrande promise. Après la prière, tous ces animaux sont immolés en manière d’holocaustes ; puis on les fait rôtir, et un grand banquet est préparé pour tout le village, hommes, femmes et enfans. Des danses, des chants, et des cris d’allégresse remplissent le reste de la journée.

Les prêtres ansariens ne mangent que ce qui sort de leur propre demeure ; quand ils ont une route à faire, ils emportent avec eux toutes leurs provisions, car ils n’accepteraient rien de personne, pas même de leurs plus proches parens. Il se trouve des sectes dont les cheiks vont jusqu’à s’interdire l’usage de la pipe. On reconnaît un prêtre savant à l’écritoire qu’il porte à la ceinture, et au turban blanc qu’il arrange sur sa tête d’une manière distinctive. Quand un cheik meurt, les fidèles de sa religion lui élèvent un tombeau et le révèrent comme un saint ; pour chaque prêtre qui s’éteint, on voit un oratoire de plus dans les montagnes, on compte un saint de plus dans le ciel. Le jour de la mort d’un cheik, on distribue des aumônes à tous les pauvres.

Les Ansariens prient indifféremment debout, assis ou à cheval ; avant la prière, ils font des ablutions comme les musulmans. Les Ansariens ne prient qu’avant le lever du soleil, et jamais dans le courant de la journée. Pendant l’oraison, l’Ansarien se couvre tout entier de son manteau ; il ne regarde ni à droite ni à gauche ; si un chrétien, un nègre, un chameau ou une gazelle venait à passer en ce moment devant lui, sa prière ne serait pas valable ; il serait obligé de recommencer les ablutions et la prière. Les premiers mots de l’oraison sont ordinairement des malédictions contre les chrétiens et les Turcs, contre Aba-Baker et Omar ; dans le cours de sa prière, l’Ansarien invoque quelques-uns des saints de notre calendrier. Si un Ansarien se trouve par nécessité au milieu de chrétiens ou de Turcs, il est dispensé de prier, dût-il rester un mois sans remplir ses devoirs religieux.

Lorsqu’une femme ansarienne met au monde un enfant, le mari