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VOYAGE EN ORIENT.

tesquieu se déclare impuissante, l’épée d’Alexandre tranche le nœud gordien.

J’arrive aux paysages ; car, outre ses souvenirs, ses pensées et ses impressions, M. de Lamartine nous a donné ses paysages pendant son voyage. J’ai quelque peine, je l’avoue, à concevoir comment il se souvient, pendant son voyage, des hommes et des choses, qu’il va visiter, à moins qu’il ne prévoie ce qu’il va voir. Pour les paysages, mon embarras redouble. Est-ce que l’Orient tout entier avait mis, pour recevoir M. de Lamartine, ses vêtemens de fête ? Est-ce que les paysages de la Grèce, de la Syrie, de la Palestine et de la Turquie sont rentrés au logis, ou bien ont repris leurs vêtemens vulgaires ? — Qu’on ne m’accuse pas de chicaner puérilement. Les choses mal nommées sont rarement bien observées. Plus j’avance dans l’analyse de ce livre, et plus j’ai peine à deviner ce qu’il veut, ce qu’il prétend. De quoi M. de Lamartine s’est-il souvenu ? Des chevaux arabes achetés pendant son voyage. C’est là, si je ne me trompe, le plus clair de ses souvenirs. Je sympathise pleinement avec le plaisir de l’écuyer. J’ai pour les étalons arabes et turcomans de première et seconde espèce une estime très haute ; mais je trouve que cette noble conquête occupe un espace un peu trop large sur la scène où le voyageur s’est placé. Les impressions et les pensées du narrateur ont besoin d’être discutées séparément. Revenons aux paysages.

Je commence par déclarer franchement mon incrédulité. Je ne puis me décider à prendre pour un journal de voyage les descriptions pittoresques datées d’Athènes, de Bayruth, de Jérusalem et de Stamboul. Je ne révoque pas en doute l’abondance et la spontanéité du génie ; mais il n’est pas plus permis à Claude Lorrain ou au Poussin d’improviser à toute heure du jour qu’à Platon ou à Kant de continuer sans relâche le Livre des Lois ou la Critique de la raison pure. Le paysagiste, aussi bien que le poète et le philosophe, a besoin de répit, s’il ne veut pas succomber à la tâche. Eh bien ! M. de Lamartine aurait pu se dispenser de nous donner comme spontanées les pages laborieusement négligées qu’il date de Syrie et de Grèce, mais qu’il a parées patiemment. À quoi bon cette coquetterie ? Je me range volontiers à l’avis d’Alceste : Le temps ne fait rien à l’affaire. Mais, pour prendre ici le change, il