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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.


un commerce adultère avec la reine Fredegonde, et soit pour cette raison, soit pour une autre cause, il avait épousé, de la manière la plus vive, les ressentimens de cette reine contre l’évêque de Rouen. En général, les prélats d’origine franke, peut-être par l’habitude du vasselage, inclinaient à donner gain de cause au roi en sacrifiant leur collègue. Les évêques romains avaient plus de sympathie pour l’accusé, plus de sentimens de la justice et de respect pour la dignité de leur ordre ; mais ils étaient effrayés par l’appareil militaire dont le roi Hilperik s’entourait, et surtout par la présence de Fredegonde, qui, se défiant, comme toujours, de l’habileté de son mari, était venue travailler elle-même à l’accomplissement de sa vengeance.

Lorsque l’accusé eut été introduit, et que l’audience fut ouverte, le roi se leva, et, au lieu de s’adresser aux juges, apostrophant brusquement son adversaire : « Évêque, lui dit-il, comment t’es-tu avisé de marier mon ennemi Merowig, qui aurait dû n’être que mon fils, avec sa tante, je veux dire avec la femme de son oncle ? Est-ce que tu ignorais ce que les décrets des canons ordonnent à cet égard ? Et non-seulement tu es convaincu d’avoir failli en cela, mais encore tu as comploté avec celui dont je parle, et distribué des présens pour me faire assassiner. Tu as fait du fils un ennemi de son père ; tu as séduit le peuple par de l’argent, afin que nul ne me gardât la fidélité qui m’est due ; tu as voulu livrer mon royaume entre les mains, d’un autre[1]… » Ces derniers mots, prononcés avec force au milieu du silence général, parvinrent jusqu’aux oreilles des guerriers franks, qui, en station hors de l’église, se pressaient par curiosité le long des portes qu’on avait fermées dès l’ouverture de la séance. À la voix du roi qui se disait trahi, cette multitude armée répondit aussitôt par un murmure d’indignation et par des cris de mort

    Bertechramnus Burdigalensis civitatis episcopus cui hoc cum reginâ crimen impactum fuerat. (Ibid., lib. v, pag. 263.)

  1. Cui rex ait : « Quid tibi visum est, ô episcope, ut inimicum meum Merovechum, qui filius esse debuerat, cum amitâ suâ, id est patrui sui uxore, conjungeres ? An ignarus eras, quæ pro hâc causâ canonum statuta sanxissent… (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 243.)