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cruautés de sang-froid. La seconde femme de Gonthramn, Austrehilde, atteinte en l’année 580 d’une maladie qu’elle sentait devoir être mortelle, eut la fantaisie barbare de ne vouloir pas mourir seule, et de demander que ses deux médecins fussent décapités le jour de ses funérailles. Le roi le promit comme la chose la plus simple, et fit couper la tête aux deux médecins[1]. Après cet acte de complaisance conjugale, digne du tyran le plus atroce, Gonthramn était revenu avec une facilité inexplicable à ses habitudes de royauté paternelle et à sa bonhomie accoutumée. En apprenant le double crime de meurtre et de sacrilége dont la clameur générale accusait la veuve de son frère, il éprouva une véritable indignation, et, comme chef de la famille mérovingienne, il se crut appelé à un grand acte de justice patriarcale. Il fit partir en ambassade, auprès des seigneurs qui exerçaient la régence au nom du fils de Hilperik, trois évêques, Artemius de Sens, Agrœcius de Troyes, et Veranus de Cavaillon dans la province d’Arles. Ces envoyés reçurent l’ordre de se faire autoriser, par les seigneurs de Neustrie, à rechercher, au moyen d’une enquête solennelle, la personne coupable du crime, et à l’amener de gré ou de force en présence du roi Gonthramn[2].

Les trois évêques se rendirent à Paris, où était élevé l’enfant au nom duquel depuis deux ans se gouvernait le royaume de Neustrie. Admis devant le conseil de régence, ils exposèrent leur message en insistant sur l’énormité du crime dont le roi Gonthramn demandait la punition. Lorsqu’ils eurent cessé de parler, celui des chefs neustriens qui avait le premier rang parmi les tuteurs du jeune roi, et qu’on appelait son nourricier, se leva et dit : « De tels méfaits nous déplaisent aussi au dernier point, et de plus en plus nous désirons qu’ils soient punis ; mais s’il se trouve parmi nous quelqu’un qui en soit coupable, ce n’est pas en présence de votre roi

  1. Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 254.
  2. Itaque cùm haec ad Guntchramnum regem perlata fuissent, et crimen super mulierem jaceretur, misit tres episcopos ad filium, qui esse dicitur Chilperici… ut scilicet cum his qui parvulum nutriebant perquirerent hujus sceleris personam, et in conspectu ejus exhiberent. (Ibid. lib. viii, pag. 327.)