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matie ? Ce ministère peut arriver, nous le répétons ; mais une telle combinaison aurait-elle de la durée ? Elle aurait contre elle l’opposition compacte du côté doctrinaire, les exigences de la république ; elle ne vivrait pas trois mois ; elle tomberait haletante devant une coalition de boules.

Reste l’opposition légitimiste. Celle-ci est tout en dehors des combinaisons ministérielles, même dans le plus lointain avenir. Comme ses doctrines ne sont point dans la condition des faits accomplis, elle n’a pas à s’inquiéter de tous ces petits incidens de tactique qui retardent la marche des doctrines ; elle va en avant ; elle se sert d’une parole puissante ; elle est toujours un auxiliaire pour l’opposition, car elle ne peut devenir gouvernement. Dans les six mois qui viennent de s’écouler, l’opposition légitimiste n’a pas manqué d’habileté ; elle s’est effacée à la tribune comme le parti, car elle n’a point parlé de ses sympathies ni de ses espérances. Les légitimistes savaient qu’ils ne seraient point écoutés ; perdus en si petit nombre au sein de la majorité, ils ont gardé le silence dans toutes les questions de détail, pour se montrer dans quelques circonstances importantes et décisives. Il est constant maintenant qu’ils n’ont que deux orateurs ; M. de Lamartine et M. Sauzet ont abandonné leurs rangs ; M. de Laboulie a besoin de se former aux habitudes de la tribune ; il y a de la verve dans cet esprit méridional, mais cette verve doit se façonner aux formes plus correctes, plus tempérées, de la tribune. Viennent donc M. de Fitz-James et M. Berryer. Si le premier n’a laissé qu’un court retentissement, c’est que M. Berryer est arrivé après lui, et qu’il a jeté tant d’éclat, que la parole de M. de Fitz-James s’est perdue dans l’écho qu’a laissé la grande voix de son jeune collègue. Il y a dans M. de Fitz-James une aristocratie de formes et de manières, un certain dédain, type du grand seigneur, qui tout de suite se fait remarquer au milieu des habitudes bourgeoises ; sa phrase est travaillée, méditée ; elle va vite et droit ; le sarcasme poli du faubourg Saint-Germain s’y montre sous cette écorce transparente dont cette vieille école enveloppe l’éloge comme la censure. Que dire de M. Berryer ? Toutes les formules ont été épuisées ; une semaine tout entière, la presse quotidienne a vécu de commentaires sur le discours qu’il a prononcé contre le projet de loi américain. On a reproché cependant à ce discours de n’être qu’un beau plaidoyer : les questions de droit public y sont traitées dans la langue du palais. Mais l’admirable dialectique de l’orateur était foudroyante alors surtout qu’il s’agissait de questions de détail, de recueillir les faits historiques, et de les appliquer aux circonstances spéciales de la cause ; sa voix sonore, son geste animé donnait une action dramatique qu’on était fâché de ne plus retrouver le lendemain dans son discours imprimé ; on