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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

tures sur le sort de ces débris. Ayant vu souvent, néanmoins, les effets que produisent dans ces mers les glaces flottantes, il n’était pas difficile de deviner le sort du bâtiment naufragé ; il avait dû être emporté d’un seul coup, ou réduit en pièces, et dans ce dernier cas ses débris avaient augmenté la masse des bois flottans que charient constamment les mers de ces parages. Ce qu’il y avait de certain, c’est qu’on ne le voyait plus. Nous n’en avions aperçu aucune trace pendant les dix milles que nous avions parcourus au sud, à portée de pistolet du rivage, et nous ne fûmes pas plus heureux en examinant la côte au nord sur un espace de deux milles.

« Nous retournâmes donc à bord, et nous préparâmes à embarquer les objets nécessaires à notre approvisionnement pendant deux ans et trois mois, ayant calculé que c’était la quantité dont nous aurions besoin pour l’avenir. Il est inutile de dire que c’était une circonstance aussi nouvelle qu’intéressante de trouver ainsi dans ces régions désolées, au milieu de la solitude, des glaces et des rochers, une sorte de marché où nous pouvions satisfaire tous nos besoins, et de voir rassemblés sur un seul point tous les objets que nous aurions cherchés à Londres dans les magasins de Wapping ou Rotherhithe ; le tout prêt à être embarqué à notre volonté et libre de tous frais. C’était sur la certitude de cette rencontre, qui se trouva, comme on voit, bien fondée, que reposait le plan de notre voyage. »

Le ravitaillement du Victory fut achevé en deux jours ; outre la tente dont il vient d’être question, il en existait, à quelque distance, une seconde où la poudre du Fury avait été déposée. Le capitaine Ross, après en avoir extrait la quantité dont il avait besoin, fit détruire le reste, afin de prévenir les accidens qu’il aurait pu causer aux Esquimaux que le hasard eût conduits sur les lieux ; cette mesure d’humanité avait été recommandée par le capitaine Parry.

Ici commence la portion la plus intéressante du voyage, mais cette partie est principalement géographique et par conséquent difficile à comprendre sans l’aide de cartes. Parry avait poussé ses découvertes jusqu’au cap Garry, par les 72° 30′ lat. N., à quelques milles au sud-ouest du point où son bâtiment s’était perdu. À partir de ce cap, la côte court à peu près au sud-sud-est, et le capitaine Ross l’a relevée avec une exactitude minutieuse jusque par les 69°. Le résultat de cette reconnaissance a été de prouver que la passe du Prince-Régent n’est que l’entrée d’une vaste baie ou d’un golfe dont le point extrême au sud n’est pas encore exactement connu, et qui a pour limites à l’est, la presqu’île Melville, découverte par Parry, et à l’ouest, une autre presqu’île que le capitaine Ross a nommée Boothia, du nom de M. Booth, l’armateur de l’expédition. Cette dernière ne tient au continent américain que par un isthme étroit, occupé