Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/502

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
496
REVUE DES DEUX MONDES.

seulement ce ne sera pas pour notre compte, ce ne sera pas pour notre gloire, ce sera pour consolider le principe de notre humiliation. Puis, quand nous aurons vaillamment guerroyé pour la plus grande puissance du scheik, l’allié s’évanouira ; l’Arabe, le musulman, l’ennemi des chrétiens restera, mais plus redoutable, plus hostile qu’auparavant, et fort de toute la force que nous lui aurons communiquée à nos dépens.


Frithiof’s saga, or the legend of Frithiof[1]. — Parmi les monumens de l’ancienne littérature du Nord, connus sous le nom de Saga, celui peut-être qui offre le plus d’intérêt romanesque et dramatique, tout en conservant un caractère d’héroïsme primitif, c’est la Saga de Frithiof. Frithiof est bien un personnage de ces temps presque fabuleux de la Scandinavie, où elle avait ses Thésée et ses Jason. Fils d’un paysan norwégien, mais ne craignant ni les hommes ni les dieux même, il fend de son glaive le bouclier du roi son rival, brûle le temple de Balder, lutte en chantant avec les vagues et contre les puissances magiques qui l’attaquent du sein de la tempête. Le vaisseau Ellida, nef animée et intelligente comme la nef Argo, s’élance et combat sous lui, comme un coursier de guerre foule à ses pieds les ennemis de celui qu’il porte à travers la mêlée. Au milieu de ces scènes où éclatent une vaillance et une force plus qu’humaines, s’allume au cœur du farouche roi de la mer un amour dont la constance et même la délicatesse ne laissent rien à désirer. Ce récit rude et touchant des aventures de Frithiof a fourni, il y a quelques années, à M. Tegnér, le premier poète de la Suède, le sujet d’un poème où il a reproduit heureusement le caractère de l’antique original, en l’adoucissant. Ce poème a eu un succès d’enthousiasme en Suède. En peu de temps, on en a fait en Allemagne trois traductions. Aujourd’hui, une traduction élégante et fidèle vient de mettre ce produit de deux âges de la littérature scandinave à la portée de tous ceux qui connaissent la langue anglaise. Cette traduction servira à faire apprécier à la fois le caractère des anciennes traditions héroïques du Nord, et celui de la poésie suédoise moderne, presque entièrement ignorée sur le continent, où les noms de Staguelius, de Kellgren, de Lidner, d’Atterbœm, de Tegnér, mériteraient d’être plus connus.


Richelieu et Mazarin, par M. Capefigue, paraîtra lundi prochain.


F. BULOZ.
  1. London, A.-H. Bayly, and co. Cornhill.