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PORTRAITS DE ROME.

entière. Renard échappe à la potence, que ses méfaits lui avaient bien méritée, en alléguant un vœu qu’il a fait d’aller à Rome ; mais avant de partir, il trouve moyen de se faire tailler, pour son pélerinage, des sandales et un capuchon dans la peau de ses ennemis.

Après avoir dit un mot de la Rome des pélerins, il fallait bien parler des grotesques portraits, des charges moqueuses qu’en traçait la malignité contemporaine.

J’arrive à l’époque où l’antiquité reparaît au jour, et inspire à l’érudition renaissante un véritable culte. Rome va redevenir un des principaux objets de cette dévotion nouvelle : aussi l’admiration de ses débris, les lamentations sur ses ruines, enfin une sorte de paganisme poétique chez les plus orthodoxes, toutes ces choses que nous avons relevées avec soin quand elles se montraient de loin en loin dans les siècles obscurs de la barbarie, nous allons les rencontrer à chaque pas dans l’âge de la science. La multiplicité même des exemples nous dispensera de les citer tous, et nous fera une loi de ne nous arrêter qu’aux plus remarquables.

Le premier des hommes que nous allons voir paraître, à qui l’amour de l’érudition et de l’antiquité inspirera pour Rome des paroles de compassion et de tendresse, c’est Pétrarque.

La célébrité des sonnets et des amours de Pétrarque a mis dans l’ombre toute une portion de son talent, de son caractère et de sa vie, qui fut considérée par ses contemporains et par lui-même comme la plus importante et la plus sérieuse ; la plus active passion de l’amant de Laure fut peut-être la passion de l’antiquité. Pétrarque et Boccace, ces deux continuateurs du moyen-âge, ont été les précurseurs de la renaissance. L’un fut le dernier et le plus achevé des troubadours, l’autre le dernier et le plus classique des conteurs de fabliaux, et par là ils se rattachent tous deux à l’âge littéraire qui les a précédés ; mais tous deux se rattachent aussi à l’âge qui les a suivis par leur zèle pour les lettres antiques, dont ils furent les premiers instaurateurs.

Pétrarque vivait avec les anciens dans un commerce intime et familier. Une partie de sa correspondance est adressée aux grands hommes de la Grèce et de Rome ; il leur écrivait comme à des compatriotes et à des amis. Il faut lire ce qu’il raconte de son émotion profonde, quand il approchait d’un couvent où il imaginait pouvoir