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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

les saumons et le poisson en général se trouvaient en abondance. La ligne se dirigea ensuite au nord, à une distance considérable dans cette direction, ainsi qu’à l’ouest du point où nous étions ; il ajouta que la distance était de deux jours, et qu’il y avait sur la route plusieurs rivières portant leurs eaux à la mer.

« Le premier individu reprit alors le crayon et dessina plusieurs grands lacs dans la partie du pays où nous nous trouvions, marquant en même temps les endroits où nous rencontrerions des habitans, et traçant une route par laquelle on pouvait arriver à l’eau salée dans l’espace de neuf jours. Tous deux, du reste, finirent par nous dire qu’un des hommes de leur troupe était plus instruit dans la géographie du pays qu’eux-mêmes et promirent de nous le faire connaître.

« Au moment de nous séparer, nous leur expliquâmes que la jambe de bois ne pouvait être prête que dans trois jours, et que nous aurions alors le plaisir de l’essayer ; leur ayant ensuite fait don à chacun d’une boite de fer blanc qui avait contenu de la viande conservée, ils nous quittèrent dans un véritable ravissement. Il est doux, sans doute, de pouvoir combler d’or le malheureux qui est dans le besoin ; mais, à ce que j’imagine, la bienfaisance ne conserve pas moins ses charmes quand elle ne coûte rien ; et dans le cas actuel, nous rendîmes ces pauvres gens aussi heureux avec un objet qui ne valait guère mieux qu’une vieille casserole, que s’il eût été d’argent et eût valu son pesant d’or. Celui-là ne connaît pas la valeur d’un présent, qui n’a pas l’expérience des heureux qu’on peut faire avec un grain de verroterie, un bouton de cuivre, une aiguille ou un morceau de vieux fer. »

Ces relations amicales avec les naturels durèrent tant qu’ils restèrent dans le voisinage, se resserrant chaque jour à mesure que la somme des services rendus s’augmentait de part et d’autre. La valeur réciproque des objets d’échange était régulièrement fixée des deux côtés et ne donnait jamais lieu à aucune discussion ; les Esquimaux se montraient toujours satisfaits des bagatelles, précieuses, il est vrai, pour eux, qu’ils recevaient en échange du gibier, du poisson et des vêtemens qu’ils fournissaient à l’expédition. On s’aperçut par la suite, ainsi que nous le verrons bientôt, que leur honnêteté n’était pas aussi grande qu’elle l’avait paru d’abord ; mais la passion du vol n’était rien chez eux, comparée à ce qu’on l’a trouvée chez une foule de peuplades plus favorisées par la nature, et par conséquent bien moins excusable que chez des hommes à qui le climat refuse même un morceau de bois pour fabriquer leurs armes.

Le 20 janvier, le soleil se montra pour la première fois après une absence de cinquante-un jours ; la moitié de son diamètre apparut au-dessus