Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/589

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
583
AU-DELÀ DU RHIN.

poésie de l’Allemagne. Ils supportent en frémissant l’insolente suprématie du Nord ; l’orgueil de Berlin les offusque de loin, et quelquefois, dans leur colère, ils appellent les Prussiens des Russes allemands.

L’alliance de la France et de l’Allemagne méridionale est cimentée par la nature des choses. La France, méditant la conquête au-delà du Rhin, serait folle ; refusant son appui, elle manquerait à un devoir européen. L’intérêt de l’humanité peut réunir un jour sous le même drapeau la patrie des Hohenstaufen, de Schiller, et la nation de Napoléon et de Mirabeau.

La Franconie, l’un des neuf cercles de l’ancienne Allemagne, s’est illustrée depuis l’occupation des Francs jusqu’à la fin du xvie siècle. Là, les grands corps de l’empire germanique, la féodalité, tant ecclésiastique que séculière, assirent leur puissance, le grand maître de l’ordre teutonique de Mergentheim, l’évêque de Wurtzbourg, l’évêque de Bamberg, puis les états séculiers et les villes impériales. C’est la Franconie que Goëthe nous montre remuée par la main de fer de Goëtz de Berlichingen : cette terre eut plus qu’une autre toutes les agitations de la fin du xve siècle et celles du xvie : elle reçut l’empreinte fraîche et profonde de la foi de Luther ; les passions envahissantes de la réforme et les résistances de la religion catholique s’y choquèrent avec violence. Ces émotions passées ont un témoignage dans les églises qui au xvie siècle cessèrent d’être le sanctuaire du vieux culte pour devenir l’écho des croyances de Melanchton. On demeure long-temps rêveur et pensif dans l’enceinte de ces temples dont les murs semblent s’être émus comme les ames des hommes pour enfermer comme elles une expression plus nouvelle et plus vivante de la vérité. La Franconie offre partout les souvenirs et les inspirations de l’esprit allemand. Schiller a mis en Franconie le château du vieux Moor, il y a mis aussi le berceau et la patrie de cet indomptable Charles qu’il érigeait, huit ans avant la révolution française, en vengeur de l’humanité. Quand Schiller écrivait ses Rauber, il avait en dégoût son siècle qu’il appelait un siècle de castrats, siècle ne sachant autre chose que commenter les actions de l’antiquité, incapable lui-même d’en produire qui lui appartinssent. Schiller appelait un changement, une vengeance. D’honnêtes personnes ont élaboré contre le poète des dé-