Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
ANDRÉ.

eut aussi réussi à la ranimer, elle se jeta à ses pieds et lui demanda pardon avec des sanglots qui partaient d’un cœur naturellement bon. Geneviève le sentit, et pardonnant au caractère emporté et au manque d’éducation de son amie, elle la releva et l’embrassa.

— Tu nous aurais épargné à toutes deux une affreuse soirée, lui dit-elle, si tu m’avais interrogée avec douceur et confiance, au lieu de venir me faire une scène cruelle et folle. Au premier mot de soupçon, je t’aurais rassurée…

— Ah ! Geneviève ! la jalousie raisonne-t-elle ? répondit Henriette. Prend-elle le temps d’agir, seulement ? Elle crie, jure et pleure, c’est tout ce qu’elle sait faire. Comment, ma pauvre enfant, tu partais, et moi je t’accusais ? Mais pourquoi partais-tu sans me rien dire ? Voilà comme tu fais toujours : pas l’ombre de confiance envers moi. Et pourquoi diantre en as-tu plus pour M. Joseph que pour ton amie d’enfance ? car enfin, je n’y conçois rien !…

— Ah ! voilà tes soupçons qui reviennent ? dit Geneviève en souriant tristement.

— Non, ma chère, répondit Henriette, je vois bien que tu ne veux pas me l’enlever, puisque tu t’en vas. Mais il est hors du doute que cet imbécile-là est amoureux de toi…

— De moi ! s’écria Geneviève stupéfaite.

— Oui, de toi, reprit Henriette ; de toi qui ne te soucies pas de lui, j’en suis sûre : car enfin, tu aimes M. André, tu pars avec lui, n’est-ce pas ? Vous allez vous marier hors du pays ?

— Oui, oui, Henriette ; tu sauras tout cela plus tard ; aujourd’hui il m’est impossible de t’en parler : ce n’est pas manque de confiance en toi, mon enfant. Je t’écrirai de Guéret, et tu approuveras toute ma conduite… Parlons de toi, tu as donc des chagrins, aussi ?

— Oh ! des chagrins à devenir folle ; et c’est toi, ma pauvre Geneviève, qui en es cause, bien innocemment sans doute ! Mais que veux-tu que je te dise ? Je ne peux pas m’empêcher d’être bien aise de ton départ : car enfin, tu vas être heureuse avec ton amant ; et moi, je retrouverai peut-être le bonheur avec le mien.

— Vraiment, Henriette, je ne savais pas qu’il fut ton amant. Tu