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quête et la guerre l’ont créée. Les chevaliers de l’ordre Teutonique emportèrent au xiiie siècle la possession de la Prusse à la pointe de l’épée ; Thorn et Marienbourg étaient la résidence de ces terribles porte-glaives : ils prévalurent durant trois siècles ; en 1525, la paix de Cracovie les abolit en réalité, et la Prusse devint un duché héréditaire sous le protectorat de la Pologne. Un siècle après, elle appartint à la maison électorale de Brandebourg ; encore un siècle après, elle devint royaume ; aujourd’hui elle est une des cinq grandes puissances de l’Europe : voilà comment s’élèvent les empires.

La Prusse orientale, la Prusse occidentale, le Brandebourg, la Silésie, la Poméranie, le duché de Posen, une partie de la Westphalie, les états de Clèves, une partie de la Saxe, le duché du Rhin, composent la monarchie prussienne, laborieux assemblage, élevé par la conquête et le temps, et toujours à la merci des chances inconnues des temps et de la guerre.

La monarchie de Brandebourg ressemble à un de ces corps élancés dont la vie jeune et irrégulière n’a pu trouver encore son assiette, son embonpoint et son harmonie ; elle se fatigue à toucher en même temps les bords de la Baltique et les bords du Rhin ; il est peu commode de régir à la fois Dantzig et Cologne ; elle le sait, aussi les conquêtes qu’elle médite ne sont pas lointaines ; elle désire Leipsig et Dresde qui avoisinent sa capitale : Goettingue, Hanovre et Brunswick ne lui déplairaient pas.

En 1801, le premier consul de la république française offrait le Hanovre à la Prusse pour prix d’une amitié sincère. La Prusse désirait cette proie, mais sans oser la prendre. En 1803, le prince de Hardenberg avouait que la monarchie de Brandebourg épiait toujours l’occasion d’acquérir le Hanovre, pourvu que cette acquisition n’imprimât pas une tache à l’honneur et à la bonne foi du roi. Frédéric-Guillaume écrivait, de son côté, qu’il nourrissait pour le Hanovre une affection paternelle. La Prusse, acceptant les offres de Napoléon, avait l’Angleterre pour ennemie, l’amitié de la France ; elle pouvait mécontenter la Russie, mais elle intimidait l’Autriche.

La position de la monarchie prussienne est celle-ci : que la Russie veut s’étendre jusqu’à l’Oder, la France jusqu’au Rhin : elle