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blement tragique. L’attirail comique était plus simple. Cependant le masque et le brodequin, soccus, contribuaient à grandir l’acteur comique. Cela posé, dans la recherche que nous allons faire de la tragédie et de la comédie au ive siècle, nous n’admettrons comme leur étant applicables que les passages qui rappelleront ces traits caractéristiques.

En effet, les simples mots de comédiens et de tragédiens ne suffiraient pas pour établir l’existence de la tragédie et de la comédie au ive siècle. Ces mots ont souvent changé d’acception ; celui de tragédien, en particulier, a souvent désigné, du ier au ve siècle, les acteurs de pantomimes qui dansaient des ballets tragiques, ou les musiciens qui chantaient des airs pris dans des sujets de tragédie. Aussi ne voudrais-je pas tirer des conclusions trop expresses de ce passage de Claudien, où il semble indiquer que, dans les jeux donnés sous Arcadius et Honorius, on n’oublia pas la tragédie : Hi tragicos meminere modos[1]. Mais je crois trouver quelque chose de plus concluant dans un passage où saint Ambroise fait allusion à la déclamation tragique. Cet orateur compare les gens qui commencent à s’adonner à la débauche aux tragédiens qui ne donnent leur voix que peu à peu, sensim, sensimque, pour remplir ensuite la scène de leurs cris, ut postea possint clamoribus personare. Voici de plus des vers de Prudence, où le poids et la majesté du masque tragique sont très heureusement exprimés :


.................
Mentitumque gravis personæ ; inducere pondus,
Ut tragicus cantor ligno tegit ora cavato
Grande aliquid, cujus per hiatum carmen anhelat[2].


Nous avons trouvé le masque ; nous allons à présent voir le cothurne. Déjà à la fin du iiie siècle, Tertullien, dans son livre contre les spectacles, s’était élevé contre la chaussure tragique, et savez-vous par quel bizarre argument ? « Le diable, avait-il dit, a guindé les tragédiens sur leurs cothurnes pour donner un démenti à

  1. In Eutropium, lib. ii.
  2. Contra Symmachum, liv. ii.