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piation de quelque faute bien grave sans doute, mais que le peintre n’a pas pris soin de nous révéler. L’œil a peine à se reconnaître au milieu du bagage amoncelé sur les épaules et la poitrine de Guillaume iv. Le costume militaire et le costume royal se confondent avec une fastueuse gaucherie ; et ce n’est pas trop d’une étude de quelques minutes pour savoir où retrouver la fin d’une manche ou d’une broderie. Les mains de sa majesté sont dessinées et peintes avec une mollesse sans exemple. À coup sûr, si elles s’avisaient de saisir la poignée d’une épée ou le pommeau d’une selle, nous les verrions se déformer, s’aplatir comme l’argile, ou se fondre comme la cire. Il n’y a là ni phalanges, ni tendons, ni muscles, ni veines, ni artères. C’est une masse sans nom qui n’a jamais vécu. La tête est loin de racheter la misère des détails. Il est impossible de caractériser la mollesse des joues et le silence du regard. Les pommettes sont absentes, les tempes ne sont pas accusées, les yeux sont immobiles dans l’orbite, les lèvres sont scellées et ne pourraient s’ouvrir. Si M. A. Shee n’était pas président de l’Académie royale, la critique ne devrait pas s’occuper de lui.

Le portrait de Wellington par M. Pickersgill est assurément très supérieur à la toile précédente. Je ne veux pas dire pourtant qu’il soit bon ; mais il faut rendre justice aux efforts de l’artiste : il a cherché dans la disposition du vêtement, dans l’attitude de la figure, autre chose que la réalité plate et triviale. C’est une intention louable, et dont il faut le remercier. M. Pickersgill s’est souvenu de Van-Dyck et de Joshua Reynolds. La volonté ne lui a pas manqué pour atteindre ces deux grands maîtres. Il est resté bien loin au-dessous d’eux, mais il faut lui tenir compte de son ambition. C’est aujourd’hui, à tout prendre, le plus habile portraitiste de l’Angleterre. Il n’a rien à faire avec M. Hayter, que nous avons vu à Paris rivaliser avec les porcelaines de Kinson. M. Pickersgill prend au sérieux tout ce qu’il fait. Il ne néglige aucune partie de ses tableaux ; il combine avec une attention patiente le geste, le regard et le costume de ses modèles ; il mesure toute la difficulté de sa tâche, et s’il ne l’accomplit pas tout entière, du moins il peut savoir aussi bien que personne ce qui manque à l’achèvement de ses ouvrages.

Je n’aime pas dans son portrait de Wellington le mouvement de