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en même temps la vénalité de ceux qui le gouvernent ! Quel enchaînement de réflexions ! et quel progrès !

Telle qu’elle est, j’aime pourtant mieux l’Autriche que la Bavière. L’Autriche a au moins un système à elle, une marche déterminée depuis long-temps ; quand on est là, on sait à quoi s’en tenir ; on sait qu’en s’arrêtant à cette condition de ne point parler politique, de ne pas médire de la police, ni des prêtres, ni de M. de Metternich, de ne rien écrire de suspect, et de penser le moins possible, ou du moins de penser tout bas, on peut tout à son aise courir le monde, respirer le grand air sur les boulevards, s’en aller au Prater, au théâtre, au bal, et mener du matin au soir bonne et joyeuse vie. Mais la Bavière, on ne sait encore ce que c’est. On y marche comme sur une planche vacillante. Elle a été libérale, et elle a foulé aux pieds les idées de libéralisme ; son roi lui avait donné une constitution, et maintenant il n’a rien de plus à cœur que de la morceler et de la rogner ; il voulait avoir des députés libres et indépendans, et il fait mettre en prison ceux qui s’avisent de voter autrement qu’il ne l’a dit ; jeune homme, il a chanté la liberté, mais le baiser qu’il lui donnait était un baiser de Judas, il l’a trahie.

La Bavière a eu son caractère marqué, son rôle indépendant, et la voici qui se traîne à la remorque de l’Autriche, qui se met à genoux devant elle, qui, dans la peur qu’elle a de ne pas assez bien l’imiter, exagère encore toutes ses mesures de rigueur, tout son système de défiance, tout son espionnage religieux et politique. Je ne connais pas de ville qui présente, comme Munich, tant de doute et d’incertitude dans les esprits, tant de malaise intime, et tant d’élémens contradictoires : des moines, des soldats, des couvens et des maisons de joie ; la religion prise à son plus haut point de rigorisme, et la dépravation de mœurs poussée au dernier degré. Munich est une ville toute sensuelle, qui se couvre d’un froc et porte un chapelet à sa ceinture. Le roi se déclare l’ami, le protecteur des sciences, et il laisse mourir l’université, en l’emmaillotant, en lui disputant pied à pied l’espace qu’elle occupe et la liberté d’enseignement dont elle a besoin. Il est artiste ; il devrait avoir l’âme grande et généreuse de l’artiste, et il existe un édit d’après lequel tout écrivain qui a mal parlé de lui doit venir faire amende honorable devant son portrait. Un jour, un jeune homme, condamné à cet acte de soumission dégradante, cracha sur le portrait qu’on lui présentait. On le mit en prison, et depuis personne n’a pu dire ce qu’il est devenu.

Une autre fois vous entendez publier dans les rues de Munich une ordonnance ainsi conçue : « Quand S. M. paraîtra dans la rue, tout le monde sera obligé de la saluer. Si on est à pied, on restera devant elle