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REVUE DES DEUX MONDES.

Marc-Girardin n’en a rien dit ; son prosaïsme ne les a pas vus, ou sa chaise de poste l’a emporté trop vite.

Les Voyageurs en Suisse sont une jolie bluette, écrite dans un moment de verve et de bonne humeur.

L’Analyse des Niebelungs est incomplète. Ordinairement, lorsqu’on se propose de faire connaître un poème étranger, on en indique au moins la marche et le dénouement ; mais ici l’auteur s’arrête à moitié chemin. Heureusement que, par une exquise prévoyance, M. Ampère avait suppléé depuis deux ans[1] à cette lacune du livre de M. Saint-Marc Girardin.

Après tous ces chapitres négligés ou superficiels des Notices, arrive une autre dissertation littéraire avec un nom imposant en tête : Goëthe ! et, à la suite de ce nom, quatre pages ! Quatre pages sur Goëthe, le roi, le créateur de la nouvelle littérature de sa nation, l’homme de génie qui a tenu pendant près d’un siècle le sceptre de la poésie allemande ! Que diriez-vous donc, digne Schubart, vous qui avez fait tant de leçons publiques sur Faust, et vous, Weber, qui avez écrit un livre entier seulement sur la Fille naturelle, et vous Güschel, qui venez de publier encore trois volumes sur le caractère de Goëthe, et vous, Falck, et vous, Müller, et vous tous admirateurs passionnés du grand homme, que diriez-vous donc si l’on vous apprenait qu’il existe en France un écrivain qui a la prétention de connaître la littérature allemande, un professeur en Sorbonne, qui a trouvé le moyen de résumer, en quatre pages, tout ce qu’il avait à dire sur Goëthe ?

Voici ce qui nous a le plus frappé dans les quatre pages sur Goëthe :

« Rien n’est si varié, dit M. Saint-Marc, que les œuvres de Voltaire. Cependant partout il y a une idée qu’il poursuit, partout un but qu’il cherche à atteindre. Dans Goëthe, rien de semblable. Le poète est partout dans les œuvres de Goëthe ; mais l’homme, où est-il ? Que veut Goëthe, encore une fois ? Quelle influence veut-il exercer ? Je ne sais ; j’ai beau consulter à ce sujet son théâtre et ses romans : point de réponse. Il emprunte ses sujets tantôt au génie de la Grèce, tantôt au génie du moyen-âge. Voltaire aussi varie ses sujets ; mais dans tous ses sujets il y a une singulière unité d’esprit. »

Ce que Goëthe voulait, il est facile de le voir. Goëthe était tout entier préoccupé de la question d’art ; c’était l’art qu’il aspirait, dit-il lui-même dans ses Mémoires, à rechercher jusqu’à sa source, à étudier dans sa pureté primitive. C’était l’art qu’il désirait présenter sous toutes ses faces.

  1. Sigurd, traduction épique selon l’Edda et les Niebelungs. (Revue des Deux Mondes du 1er août 1835.)