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NOTICES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES.

Voilà pourquoi, quand il l’a atteint d’un côté, il se hâte de le poursuivre de l’autre. Voilà pourquoi il passe tour à tour de la forme un peu rude du moyen-âge à la forme solennelle de l’antiquité, et de l’encadrement du drame à l’encadrement de la comédie ou de la poésie lyrique. L’art, c’est là sa pensée dominante, c’est là son but constant. Il n’y a peut-être pas une page de cet homme de génie, pas une petite ballade, pas une de ses simples chansons, qui ne porte, dans la coupure du vers, dans le choix des expressions, dans l’harmonie du rhythme, l’empreinte de cette pensée d’élaboration qui tendait à tout soumettre à un moule sévère et artistement travaillé. De là il arrive parfois que ses compositions sont un peu froides, que quelques-unes ressemblent, comme l’a dit Heine, à des statues de marbre blanc, bien polies, et inanimées. Mais approchez-vous de plus près, quelle finesse de détails ! quelle grâce et quelle fermeté de dessein ! quel admirable coup de ciseau !

Avec cette idée d’art bien arrêtée, et cette volonté puissante de la suivre, l’influence que Goëthe devait avoir, il l’a eue, et elle a été immense. Il a entraîné à sa suite toute la jeune Allemagne ; il lui a montré les nouvelles voies où elle devait marcher, et lui-même semble, à chacun de ses essais, avoir voulu s’élancer en tête, et frayer le chemin.

Après cela, que M. Saint-Marc Girardin veuille bien envisager dans leur ensemble les œuvres de Goëthe, nous osons croire qu’elles présentent un aspect tout aussi imposant que celles de Voltaire.

Il y a encore dans ces Notices un chapitre que nous avions hâte de lire, c’est celui qui a pour titre : Des anciens poèmes épiques germains ; mais nous avons été complètement déçus dans notre espérance. L’auteur ne dit que quelques mots sur le cycle germanique et passe immédiatement à l’Edda. Pourquoi donc abandonner si vite cette longue chaîne d’épopées germaniques ? M. Saint-Marc Girardin a-t-il pu nous croire si indifférens à cette merveilleuse poésie que les Wolfram d’Eschenbac, les Henri d’Offterdingen exhalaient en face des gothiques cathédrales, comme un chant d’amour ou comme une prière ? Qui de nous ne se fût pas réjoui de voir fidèlement reproduire, et la chanson mâle et sauvage de Hildebrand, et les romanesques aventures de Walther, et ces deux beaux monumens du moyen-âge, ces deux grandes épopées de la chevalerie, les Niebelungs et le Livre des Héros ? Il y avait même des remarques du plus haut intérêt à faire sur les épopées allemandes, dont le sujet a été emprunté aux écrivains d’une autre nation. Ainsi, les poèmes de Titurel, Parcival, Tristan, Vigalois, etc., ne sont pas d’origine allemande ; mais, en passant d’un pays à l’autre, ils ont pris une forme toute nouvelle. Ils se sont empreints de la naïveté, du mysticisme de la vieille Germanie ; et tout en