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PORTRAITS DE ROME.


Quoi ! je revois ce fameux Colysée,
Au bout de trente années ;
Je revois le Panthéon
Et le palais de Néron,
Le temple de Faustine et d’Antonin,
Et le mont Capitolin.
Je revois Marc-Aurèle
Et les chevaux de Praxitèle.


Quand aura-t-il tout vu !… C’est lui dont Mme de Sévigné disait :

« Coulanges m’a écrit une fort grande et fort jolie lettre… Il m’a envoyé des couplets que j’honore, car il y nomme tous les beaux endroits de Rome, que j’honore aussi. »

On pardonne aux insignifians madrigaux de M. de Coulanges à cause de quelques lignes de Mme de Sévigné sur Rome, dont ils ont été l’occasion. « Je fis réflexion à cette vie de Rome, si bien mêlée de profane et de santissimo… Je songeai à cette boule où vous étiez grimpé avec vos jambes de vingt ans (la boule qui surmonte la coupole de St.-Pierre)… et combien je me promènerais de jours et d’années dans le plein-pied de nos allées, sans me trouver jamais dans cette boule. » Il y a un regret légèrement mélancolique dans la gaieté de ces derniers mots. Mme de Sévigné, que transportaient si fort les vieux Romains de Corneille, devait souhaiter quelquefois pour elle-même ce qu’elle appelle, dans le style galant de l’époque, « la plus agréable aventure qui puisse arriver, » le bonheur de visiter « cette belle maîtresse du monde, qu’on a toujours envie de revoir. » Un peu plus loin elle dit : « Ah ! que j’aimerais à faire un voyage à Rome ! » Puis elle ajoute : « Mais ce serait avec le visage et l’air que j’avais il y a bien des années, et non avec celui que j’ai maintenant. Il ne faut point remuer ses os, surtout les femmes, à moins d’être ambassadrice. »

Conclusion charmante, bien d’une femme, et bien d’elle.

Au xviie siècle, je ne trouve hors de France que Milton, dont la présence à Rome puisse offrir quelque intérêt. Malheureusement, il n’a consigné nulle part en détail les impressions reçues dans ce voyage. Il ne dut être perdu pour lui d’aucune manière. Milton, avant de partir, avait passé cinq ans à relire tous les auteurs de