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gneur s’occupe de cette figure desséchée. Il s’approche, il s’approche de moi. Quel visage plein de douceur ! Ne serais-je pas un réprouvé, si la joie que je lui témoigne de sa santé n’avait pour but que d’en obtenir un présent ? loin de moi une pensée si vile. Non, digne homme, homme vertueux ; passez, passez ferme devant moi ; ne regardez pas le plus pauvre de vos serviteurs, qui cependant priera toujours pour vous. Quoique je mendie, je ne connais pas l’intérêt ; mais je ne puis être assez dédaigneux pour refuser et mépriser ce que m’offre un tel Alexandre. » Il a déjà reçu le paul, et sourit en me remerciant avec un regard extraordinaire. »

J’ai placé ces esquisses crayonnées d’après nature, à la suite des grands tableaux de Rome que nous avons admirés, comme on dessine des arabesques autour d’une fresque majestueuse.

Maintenant nous allons rencontrer un plus grand contraste.

Après l’hymne, la satire ; après l’enthousiasme, l’ironie : c’est la loi des choses, la marche éternelle de l’esprit humain ; jamais cette réaction ne fut plus inévitable que pour le sujet qui nous occupe.

Le despotisme de l’enthousiasme amène la révolte de la moquerie ; l’exagération de la louange amène l’hyperbole de l’invective. On conviendra qu’elle ne peut être poussée plus loin que dans ce sonnet de l’atrabilaire Alfiéri.

« Une région vide et insalubre qui se donne le nom d’état ; des champs incultes, arides ; les visages sales, maigris, opprimés, d’un peuple scélérat, lâche et sanglant ; un sénat orgueilleux et non libre ; de riches et rusés patriciens couverts de la pourpre, et encore plus sots que riches ; un prince que béatifie la sottise de son prochain ; une cité sans citoyens ; des temples augustes sans religion ; des lois injustes que chaque lustre voit changer, mais en pis ; des clefs qui s’achetaient autrefois, et ouvraient aux scélérats les portes du ciel, mais qui maintenant sont usées par le temps. Ô Rome ! est-ce bien toi ? ou est-ce le siége des vices ? »

Ceci est une boutade, donnée évidemment pour telle, et dont l’exagération n’a pas besoin d’être relevée. Mais l’on conçoit bien que sans aller si loin, certains esprits, las de voir tout prendre à Rome par le beau côté, aient fait quelques protestations, les unes