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peuple et du gouvernement en termes assez énergiques, rien de plus naturel assurément. Depuis le whig Addison, chez qui nous avons vu se manifester avec quelque fierté, en présence de Rome, le sentiment de la supériorité politique de l’Angleterre, presque tous les Anglais ont proclamé, après lui, cet orgueilleux lieu commun. Il leur est fort permis de prendre sur l’Italie cette revanche de tous les biens qu’elle possède et qui leur sont refusés : ciel, soleil, climat, sentiment des arts ; mais il ne faut pas qu’ils poussent trop loin une méprisante pitié que Rome ne pourrait plus accepter. Il ne faut pas que, du haut de leur immortelle constitution, qui ne sera plus après-demain peut-être, et de leur sublime philantropie, qui n’a pas encore trouvé du pain pour l’Irlande, ils jettent trop arrogamment le mépris ou la compassion à une noble ville et à un peuple énergique, qui ne changerait pas ses ruines et ses églises pour leurs manufactures, son soleil pour leur gaz hydrogène, le génie qui a élevé le Colysée et Saint-Pierre, sculpté le Laocoon, ou peint la Sixtine, pour l’industrie qui a fabriqué la machine à vapeur, ou même inventé ces métiers qui, depuis cinquante ans, ont produit la valeur d’un fil de coton assez grand pour mesurer cent quarante-deux fois la distance de la terre au soleil.

On me pardonnera ce mouvement d’humeur en lisant les extraits suivans du livre de lady Morgan.

L’auteur, pour se singulariser, ne voit au Forum, parmi ces débris qui ont parlé si éloquemment à Byron, à Châteaubriand, à Mme de Staël,… « que des traces d’un pouvoir illégal et d’une force anti-sociale… Tout est calculé pour charmer l’œil de l’antiquaire et enflammer l’imagination du poète ; mais ces combinaisons sont propres à déchirer le cœur de l’être purement humain, à dissiper les rêves d’une bienveillante philosophie. Ce lieu n’offre pas une place sur laquelle l’esprit puisse se reposer, espérer l’amélioration de l’homme, la diminution de ses erreurs et de ses souffrances, sans rappeler ses folies, ses crimes, sa crédulité, ses impostures. »

Voici maintenant pour Saint-Pierre : « Pour le philantrope qui considère tout sous l’influence de ses sympathies avec l’état de l’homme, ce temple inimitable paraît une des causes qui ont per-