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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

générale et par celles de leur propre parti, a dû avancer l’œuvre de décomposition.

De là une tendance universelle, quoique vague encore, à juger le pouvoir moins d’après son titre que d’après ses actes, à l’apprécier selon l’intelligence avec laquelle il s’associe à un progrès qu’il a pour mission de seconder plutôt que de faire naître.

Cette disposition à chercher, dans les circonstances et dans la morale privée, la seule règle d’action politique, a donné naissance à un parti qui s’est trop hâté de se produire, mais chez lequel il y a assez d’avenir pour résister à ses propres fautes. Il serait difficile d’en formuler le programme, si vaporeux encore, autrement qu’en disant qu’il s’attache à substituer l’étude des lois de la richesse publique aux spéculations constitutionnelles, dont le principal résultat est d’équilibrer sur le papier des forces qui se déplacent inévitablement dans leur action.

Si la féconde pensée renfermée dans l’embryon obscur encore de la doctrine, est devenue, après dix ans, la pensée gouvernementale, il ne serait peut-être pas téméraire de prédire une fortune analogue au parti que l’argot parlementaire a baptisé du nom de social. Ce parti semble appelé, par ce qu’il a de vague en lui, à devenir le sympathique lien de ces nombreuses intelligences dévoyées qui ont pénétré le vide de l’idée politique.

Ces hommes, qui sont nombreux, car ils viennent de tous les camps, et leurs rangs se grossissent à chaque déception nouvelle, ne se laisseront pas classer et parquer comme ceux qui, à la suite des vicissitudes de 1830, sont passés en masse de l’opposition au pouvoir ou du pouvoir dans l’opposition. Ils n’auront pas le bonheur de trouver autour d’eux une opinion toute faite, une langue tout apprise, rien qui ressemble au credo de quinze ans sur l’excellence du gouvernement représentatif : ils devront se grouper suivant qu’ils s’estimeront, qu’ils se conviendront mutuellement ; ils formeront donc un parti plutôt par des affinités que par des doctrines communes, parti destiné à grandir à mesure que montera le flot des incertitudes publiques, et auquel on appartiendra d’autant plus qu’on tiendra moins aux autres.

Rechercher comment a été amenée cette impuissance de toutes les opinions, cette décomposition de toutes les écoles, apprécier ces écoles en elles-mêmes, telles qu’elles sont, non telles qu’elles s’efforcent de paraître, en badigeonnant leur décrépitude ; montrer de quels élémens elles se composent, quels intérêts y dominent, et ce qu’il y a de vivant encore sous des formules sans autorité, telle est la statistique morale que je voudrais esquisser dans ces études écrites avec le dégagement de