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rendre à ses parens. Ceux-ci, tout d’abord, ne voulaient pas la reprendre ; mais voyant son repentir, ils lui avaient ouvert leurs bras. C’est ainsi que Catherine était redevenue libre.

Qui l’avait donc fait changer de résolution ? Érasme le laisse à deviner. Il aimait à désappointer son lecteur ; cela donnait à ses colloques un air romanesque.

iii.
Les voyages d’Érasme. — Sa pauvreté.

L’événement qui retira Érasme du couvent et le lança dans le monde, fut une offre que lui fit le seigneur de Bergues, évêque de Cambrai, de venir faire partie de sa maison. Érasme y consentit avec joie ; mais ne voulant pas partir sans s’être mis en règle avec tout le monde, il sollicita l’agrément de son évêque ordinaire, du prieur particulier du couvent et du prieur général de l’ordre ; et quoiqu’il n’y fût pas tenu par son vœu, il garda l’habit, de peur de blesser les personnes trop scrupuleuses. Vous voyez déjà l’homme timide et inquiet, qui a une peur singulière de l’opinion, lui qui devait la mener un moment, et qui en fut le maître, tout en se courbant devant elle en esclave. Il resta peu chez cet évêque, dont il n’avait guère à se louer, et vint à Paris pour y compléter son éducation. Il entra au collége de Montaigu, alors très famé pour ses études de théologie ; les murailles même, dit Érasme, étaient théologiennes. Mais le régime en était mortel. Jean Standonée, homme d’un bon naturel, mais d’un jugement médiocre, et dur pour lui-même comme les pères du désert, en avait alors le gouvernement. Ayant passé sa jeunesse dans une extrême pauvreté, Standonée ouvrait volontiers son collége aux jeunes gens pauvres ; mais il prenait plus de soin de leur esprit que de leur corps, les nourrissant de poissons et d’œufs gâtés, jamais de viande ; les faisant coucher sur des grabats, dans des chambres humides, et, pour comble, les forçant à porter l’habit et le capuchon de moine. Plusieurs jeunes gens, contemporains