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logne. Des astrologues et des marchands voulaient l’en détourner ; il se moqua de leurs prédictions et dit : « Au nom de Dieu, avançons et entrons. » Avant d’arriver à l’église, il passa sous treize arcs de triomphe, au front desquels on lisait : À Jules ii, expulseur des tyrans. À chaque côté de la grande rue s’élevaient des tribunes, en forme de longues galeries, d’où les grands personnages et les dames de haute maison de Bologne agitaient leurs mouchoirs et faisaient flotter leurs devises sur la tête du triomphateur. La rue était tendue de voiles cousus bout à bout, qui formaient comme un dais immense, plantée d’arbres verts et décorée d’armes, de peintures, de devises, qui pendaient de toutes les fenêtres ; des tapis jonchaient le chemin. Cent jeunes gens nobles, portant des bâtons d’or à la main, la seule espèce d’arme qui convînt à des vaincus, précédaient le cortége ; puis venaient vingt-deux cardinaux, en robes rouges, avec leurs chapeaux galonnés d’or ; puis des condamnés graciés par le pape, ou des victimes du tyran de Bologne rendues à la liberté, et portant un écriteau sur leur poitrine ; puis, derrière une forêt d’étendards, dans un nuage de parfums, d’encens, de cierges en cire blanche, d’hymnes et de concerts, deux baldaquins portés à bras, l’un de soie blanche brodée d’or, pour le saint sacrement, l’autre plus magnifique, de soie cramoisie et de brocard d’or, pour le pontife, lequel foulait sous ses pieds des bouquets de rose, offerts par les jeunes filles de Bologne, présent rare pour la saison. Enfin vinrent les harangues, la seule chose qui doive consoler les petits de n’avoir pas les triomphes des grands, et les pacifiques de n’être pas victorieux. Il y en eut quatre des ambassadeurs de France, d’Espagne, de Venise et de Florence, quatre de deux recteurs d’université et de deux sénateurs ; six d’autant de nobles de Bologne, en tout quatorze ; et, au retour, quand vingt des citoyens notables de la ville vinrent offrir au pape les clefs de Bologne, il y eut encore des pièces de vers, un nouveau discours, et un psaume chanté à la face du pontife par l’évêque de Bologne. C’en était assez pour empêcher Jules ii de se croire un dieu.

Après les fêtes vint la peste, et peut-être à cause des fêtes ; pendant que le pape Jules ii recevait à Rome un second triomphe, dans lequel, disaient les bons chrétiens de l’époque, on pou-